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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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lui-même forçat à Toulon. Quoi qu’il en soit, à l’appel du soir, il avait disparu.
    — Avait-il des complices ?
    — Un Savoyard, nommé René Chappaz, condamné à vingt ans de bagne pour différents vols et tentatives d’évasion.
    — La peine semble bien lourde, si on la compare à celle d’un assassin comme Voisard.
    — Je ne suis pas juge, Monsieur…
    — Nous ne les retrouverons jamais !
    — Nous avons déjà retrouvé Chappaz.
    — Vous avez donc laissé filer le pire des deux gredins ?
    — Vous ne comprenez pas, si nous avons pu arrêter Chappaz, c’est que Voisard lui-même l’a dénoncé.
    — Comment cela ?
    — Ils étaient sur le point d’être reconnus, lorsque Voisard a soudain crié : « À l’aide ! Au meurtre ! Un bagnard évadé ! » Tout en hurlant, il ôtait le chapeau avec lequel Chappaz tentait de couvrir sa boule . Et dans la confusion qui entoura l’arrestation de son complice, Voisard put s’enfuir. Chappaz resta un moment sous le coup de la surprise, ensuite il fut trop occupé lui-même à sauver sa tête. Quand les gendarmes écoutèrent enfin ce qu’il essayait de leur dire, l’oiseau s’était envolé.
    — Où pensez-vous qu’il soit ?
    — Il se dirigeait vers l’Espagne.
    — Vous allez l’y poursuivre ?
    — C’est impossible. Vous connaissez comme moi la situation. Le roi Joseph va probablement évacuer Madrid d’un jour à l’autre.
    — Voisard peut très bien rester en Catalogne.
    — Peut-être, mais dans la confusion qui règne aujourd’hui en Espagne, au milieu de la guerre, et alors que les juntes 1 harcèlent nos troupes, ce serait un suicide. Et puis, Monsieur le ministre n’acceptera jamais d’envoyer un de ses agents pour une telle mission, encore moins un commissaire.
    — Alors, il n’y a plus d’espoir.
    — Je crains que non, Monsieur.
    — Puis-je au moins rencontrer ce René Chappaz ?
    — Dans quel but ? Vous ne comptez tout de même pas poursuivre Voisard en Espagne ? Vous commettriez une folie, cet homme finira un jour par vous tuer.
    — Acceptez-vous, oui ou non ?
    — Eh bien… d’accord, je vous faciliterai l’entrée au bagne de Toulon, mais c’est tout ce que je peux faire.
     
    Antoine fit part à sa femme de sa décision de partir pour le Var. Elle essaya en vain de l’en dissuader et, dès qu’il reçut l’autorisation, il prit la route de Toulon.
    Une fois au bagne, il put s’entretenir avec le prisonnier sous l’étroite surveillance d’un argousin. Chappaz était de taille moyenne, assez fort, les yeux marron, un visage dur, adouci par l’intelligence et la malice du regard, enfin une peau tannée par le soleil et une grande balafre qui lui zébrait le crâne. La géographie redondante de la misère se complétait d’une bouche édentée. Sa vie durant, ce fils de colporteur n’avait connu que la violence et la prison. À neuf ans, il s’était enfui de son village natal pour tenter fortune sur les grands chemins de France. Il avait alors effectué tous les métiers jusqu’à celui de voleur dans les bas-fonds de Paris. Arrêté, on l’avait condamné à une lourde peine, bien qu’il n’eût jamais tué personne. Depuis, seules les tentatives d’évasion lui valaient de rester au bagne. Au seul nom de Voisard, il serrait les dents de rage, puis se fendait d’un juron.
    — Vous savez où il se trouve ? lui demanda Antoine.
    — Pourquoi je vous l’dirais ?
    — Donc, vous le savez.
    — Bien sûr que j’le sais, foi nom de Dieu ! Les autres ici, j’ai voulu leur dire contre une petite réduction de peine, mais ils se foutent de le savoir.
    — Il a tué ma femme.
    Le bagnard s’arrêta brusquement et réfléchit quelques instants en plongeant ses yeux méfiants et scrutateurs dans ceux d’Antoine.
    — Il a dû passer à Barcelone, par l’auberge du Vieil Âne Rouge .
    — Vraiment ? Une chose m’étonne cependant, fit Loisel ; il n’est pas dans les habitudes de Voisard de dévoiler ses cachettes. Un homme aussi rusé que lui…
    — Il m’a rien dit.
    — Alors, comment le savez-vous ?…
    — Parce que j’l’ai observé, ce foutu coquin. Un jour, quand il était encore à la Grosse Fatigue, j’l’ai entendu rouscailler avec un autre bagnard, appelé Riquet, dit Tronche de Morne 2 . Ce Riquet racontait à Voisard qu’avant d’être arrêté il avait fait de bons coups avec des gars du Vieil Âne Rouge , à Barcelone, une

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