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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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de cuir de veau, collée sur une petite tringle de bois, empreinte d’émeri, d’ardoise pilée ou de brique, que le barbier utilisait pour raser les peaux sensibles. Sur la droite, enfin, une pierre, humectée d’huile d’olive, permettait de repasser les lames les plus émoussées.
    Le perruquier barbouilla son visage d’eau savonneuse, avant de le raser avec les gestes appuyés d’un comédien. Il donnait des coups de lames, puis se reculait, de quelques pas, pour considérer son œuvre. Une fois la figure du client essuyée, il posa une main caressante sur sa tête.
    — Vos cheveux, Monsieur, ont toute l’apparence de la perfection. Ils sont raisonnablement épais, forts, d’une belle couleur de châtaigne et d’une longueur moyenne, descendant jusqu’aux épaules. Sans être crêpés, ils frisent naturellement… En tout cas, ils devraient tenir parfaitement la frisure. Et puis votre front, vos tempes sont bien garnis. Peut-être n’aurez-vous pas besoin de postiches ?
    — Il me faut pourtant une perruque, je dois visiter Versailles.
    L’homme s’inclina légèrement.
    — Fort bien, Monsieur, et comment donc la voulez-vous, à bonnet ?
    — De quoi s’agit-il ?
    — Ces bonnets sont ronds et courts, ils s’allongent cependant plus ou moins derrière le col. Mais, avec vos beaux cheveux, qu’il faudrait raccourcir, ce serait dommage.
    — Quoi d’autre ?
    — Nous avons la perruque en bourse ; elle se termine à l’arrière par des cheveux plats et longs qu’on renferme dans une bourse de taffetas noir.
    — Est-elle à la mode ?
    — À vrai dire, la mode d’il y a trente ans peut-être… Mais certaines personnes de qualité s’en coiffent toujours.
    — Je n’en veux pas.
    — Voyons voir… Nous avons aussi les perruques nouées. Elles sont plus garnies que les précédentes. Elles se terminent sur le dos de chaque côté par des cheveux droits et longs qu’on noue d’un simple nœud avec, dans l’intervalle, une grosse boucle de crin roulée en tire-bouchon. Cette espèce de perruque est une des plus composées et, quoiqu’elle s’éloigne beaucoup du naturel, elle était autrefois très commune. Regardez, vous en avez ici le dessin.
    — Vous avez dit autrefois ? Elle ne me plaît point. J’en veux une nouvelle.
    — Je n’oserai donc vous proposer la perruque d’abbé, qui ressemble beaucoup au bonnet.
    — N’osez pas, je vous prie. Je ne vais pas à Versailles pour y servir la messe.
    — Hum… Il faudrait écarter aussi la postiche quarrée, qui est celle des magistrats… Ou peut-être porterez-vous la perruque à cadenettes, que vous voyez ici, à moins que vous ne préfériez la brigadière. C’est la coiffure des gens de cheval ; elle sied très bien.
    Tout en parlant, le perruquier avait sorti son matériel, des ciseaux, des peignes, une tête de bois d’orme, des bilboquets de buis, un fer à passer, du ruban et du crin de cheval.
    — Eh bien, dit enfin Antoine, un peu effrayé par l’étalage, je crois que je vais me ranger à votre première suggestion. Coiffez, s’il vous plaît, mes propres cheveux suivant la dernière mode de Versailles et j’en serai fort content.
    L’homme s’exécuta sans tarder. Il effila très légèrement les cheveux afin de les désenfler, puis les roula et les enveloppa délicatement dans des petits triangles, faits de papier brouillard, qu’on appelait des papillotes. Une fois l’opération terminée, il saisit son fer à friser, le fit chauffer à nu dans la braise, l’approcha ensuite de sa joue pour vérifier que l’instrument était à bonne température, puis l’appliqua quelques instants sur chaque papillote. Quand celles-ci furent refroidies, il les desserra, puis arrangea les boucles et le toupet.
    La coiffure, trop recherchée, donnait au Toulousain un air de préciosité qui ne correspondait ni à son physique ni à son tempérament. Il était impatient, agacé, mais se répétait qu’il ne connaissait rien au goût de la Cour. Maintenant que la frisure était achevée, le perruquier entreprit de la poudrer. Il mit dans la paume de ses mains un peu de pommade de saindoux qu’il appliqua légèrement sur la frisure. Il tendit ensuite à Antoine un cornet de papier ; avec son long bec, ses yeux de verre et l’orifice pour respirer, il ressemblait à une cigogne. Le perruquier prit une houppe et commença à le poudrer.
    Antoine se considéra en grimaçant dans un miroir. Il lui

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