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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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secret espoir de rencontrer le roi et la reine.
    Carreau, qui l’attendait près des grilles, paraissait s’amuser de ses déboires.
    — Bien, montre-moi maintenant le logis merveilleux dont tu m’as parlé.
    Depuis qu’il se trouvait dans la capitale, Antoine affectait une mine hautaine et légèrement désagréable, croyant masquer ainsi sa gaucherie et se donner des airs de Parisien. Mais, comme c’était un piètre acteur, il paraissait plus maladroit qu’il ne l’était en réalité.
    — Je vous y conduis tout de suite, Monsieur. Il faut seulement que vous me payiez la somme promise, répondit Carreau en jouant parfaitement l’humilité.
    — Qu’est-ce donc que cette entourloupe ?
    — C’est la coutume ici, trop de clients changent d’avis au dernier moment et nous font perdre notre journée. Ne vous inquiétez donc pas pour vos trois livres. Je ne vous quitterai pas d’une semelle et n’ai aucune envie de fuir.
    — Tu m’avais dit deux !
    — Eh ! C’était sans compter ma commission, il faut bien que je mange, Monsieur.
    Le rabatteur avait toisé son client avec une sorte de reproche au fond des yeux, un peu comme s’il le traitait d’avare. Voici donc un bourgeois vêtu de soie et cousu d’or qui maquignonnait pour quelques sous. Avare ! Antoine, qui ne regardait jamais à la dépense et gâtait tous ses amis ! Lorsqu’il était en colère, son père le traitait au contraire de boute-tout-cuire, de franc dissipateur, d’artiste prodigue qui mangeait son bien. Embarrassé par l’impression qu’il pouvait donner à un inconnu, le Toulousain lui confia l’argent, et les deux hommes se dirigèrent tranquillement vers la halle Notre-Dame. Ils entrèrent dans une cour intérieure sordide au fond de laquelle se trouvait un escalier. L’odeur était infecte ; sur chaque palier trônait une bassine où les ménagères versaient l’eau de vaisselle et le contenu des vases de nuit. Antoine s’inquiéta de l’état des lieux.
    — Montez d’abord, je vous prie, Monsieur, murmura Carreau, les marches sont un peu raides et veillez à ne point glisser, c’est au troisième étage. Je vais m’occuper de réserver votre repas chez le traiteur.
    Le Toulousain maudissait déjà son guide de l’avoir conduit dans un endroit où il risquait à tout moment de se crotter. Il n’y voyait rien et dut avancer à l’aveugle. Une fois au troisième étage, il frappa plusieurs coups de canne pour s’annoncer. On entendit quelqu’un répondre d’une voix peu aimable et vulgaire : « Ça va, ça va, j’arrive », puis la porte s’ouvrit.
    — Qu’est-ce que vous voulez ? interrogea une matrone sous son bonnet de coton.
    La flamme de la bougie, qu’elle tenait à la main, éclairait son visage rondouillard et flétri comme une grosse pomme tapée.
    — Une chambre pour la nuit, ma bonne femme.
    — On est complet ou alors j’ai une place dans les combles, c’est trente sols, payables d’avance.
    — Je viens d’en donner bien plus à Carreau qui m’accompagne.
    — Ah bon ! Y a quelqu’un qui vous accompagne ? Connais pas de Carreau. C’est trente sols ou faudra chercher ailleurs. Bon, décidez-vous, c’est que je dois m’occuper de mes clients, c’est une maison sérieuse, ici.
    — Vous êtes des coquins, sûrement en cheville avec ce Carreau, votre rabatteur.
    — Ah ouais ! Et ben, appelez donc les archers de la Prévôté, y savent qu’on est des honnêtes gens. En attendant, si vous payez pas, faudra partir.
    La mort dans l’âme, Antoine se résolut à payer. Il se maudissait d’avoir été la dupe d’un inconnu. Il devait apprendre à se méfier de tout. Ses narines frémissaient de rage. La mégère rafla les pièces déposées sur la table et lui demanda de la suivre. La chambre luxueuse était en réalité une mansarde agrémentée d’un grabat. Le Toulousain fit la grimace. Il n’était ni douillet ni à cheval sur le confort, mais s’imaginait mal se présenter au château, le corps couvert de punaises et puant l’égout. Il dut pourtant se résigner.
    — Vous avez un puits dans la cour et une fosse d’aisance qui desservent les trois étages. Pour vous soulager la nuit, pas besoin de descendre, il y a une petite commodité dans les combles.
    Il avait déjà deviné la présence de cette fosse à l’odeur nauséabonde qui imprégnait l’air de la pièce. La taulière s’éclipsa en lui jetant un regard interloqué, mais sans

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