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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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barreau de Toulouse, l’Amérique, vous nous auriez amusés depuis le début ?
    Neuville avait prononcé cette phrase en souriant, comme par plaisanterie, mais le ton badin masquait mal son inquiétude.
    — Je vous le répète, j’obéis à des instances supérieures, les notions de vérité et de mensonge en deviennent très relatives.
    — Vous finirez par nous faire peur, Monsieur l’avocat, ajouta l’abbé Renard… Mais faut-il encore vous nommer ainsi ? Dites-nous quelle est votre profession ?
    — En vérité, je ne suis pas avocat. Du moins, le suis-je d’une autre cause, une cause supérieure, une cause universelle.
    — Et quelle est cette cause ? demanda le prêtre, qui soupçonnait de nouveaux mensonges.
    — Celle de la liberté, Monsieur l’abbé, celle de la liberté.

V
    Tous les convives avaient les yeux braqués sur Virlojeux et attendaient avec impatience une explication. Voyant que sa réponse ne leur suffisait pas, le faux plaideur soupira légèrement, comme pour marquer sa résignation.
    — Vous me contraignez donc à révéler mon secret. J’accepte cependant de le faire en partie, dans l’espoir de conserver votre amitié.
    — Parlez, je vous en prie, vous nous faites languir, brusqua la duchesse de Gonzague.
    Virlojeux balaya une nouvelle fois l’assistance du regard. Ses pupilles s’embrasèrent comme la pointe d’un tison.
    — Je vous l’ai dit à l’instant, je ne suis pas avocat.
    — Mais alors, quelle est votre profession ? insista Montfort.
    — Je suis attaché à un grand seigneur dont je ne puis divulguer le nom.
    — Un grand seigneur ? Un comte, un duc, un ambassadeur étranger ?
    — Il est bien plus que cela encore.
    — Un prince alors.
    Virlojeux baissa les paupières.
    — N’est-ce pas un prince du sang et, peut-être même, le premier d’entre eux, ajouta Mme de Gonzague, ne me dites pas que vous servez le duc d’Orléans ?
    — Je vous laisse le supposer, je ne puis rien dire sans trahir mon serment.
    — Allons, cessons toutes ces facéties, s’agaça Neuville, puisque nous connaissons désormais l’identité de votre protecteur. Quel mal y a-t-il à servir Son Atesse ? Et quelle mission justifie tant de mystères ? Je vous ai accordé ma confiance ; je vous ai accueilli chez moi sans vous poser de question. Ne me suis-je pas contenté de l’amitié que vous témoigne Mme de Nogaret ? Je n’exigerai donc rien, mais je veux croire que vous daignerez m’éclairer.
    — Je vous le dois en effet… Monseigneur le duc d’Orléans, vous le savez, s’attache depuis longtemps à diffuser les idées nouvelles et à défendre les intérêts du peuple. Il a bien voulu me charger de cette diffusion et de cette défense paternelle.
    — Quand êtes-vous entré à son service ?
    — Il y a dix ans de cela, un intendant a mis sous les yeux du prince le mémoire que j’avais consacré à son apanage. Pensant que je pourrais lui être utile, Son Altesse m’a fait mandé dans la retraite normande où j’essayais de fuir le monde. Je m’y consacrais à l’écriture – un travail de Romain à vrai dire, puisqu’il s’agissait de composer une histoire des Indes en dix volumes. Je lui fus donc présenté. Il me proposa d’entrer à son service pour effectuer quelques missions de confiance dont il ne me révéla pas le détail. Je devais rencontrer des gens de qualité, rédiger des mémoires et voyager. Je refusai d’abord, n’ayant aucun goût pour les mondanités et les expéditions lointaines. Je lui assurai que ma vie appartenait à la recherche, à l’obscurité des bibliothèques conventuelles, à la poussière des grimoires, mais lorsqu’il me parla de bienfaisance, quand il m’assura que je pourrais être utile à mon prochain, alors le soulagement de l’humanité me parut plus important que mon propre confort. À vingt-sept ans, comment pouvais-je résister à de telles instances ?
    — Vous emploie-t-il régulièrement ?
    — À chaque heure du jour et de la nuit, pour ainsi dire, Madame la duchesse.
    — Il s’est bien gardé de m’en parler.
    — Je comprends maintenant l’opiniâtreté avec laquelle vous défendez la sédition, coassa Montfort.
    — Je vous en conjure, chevalier, ne reprenons pas cette dispute intervint Neuville. Puis s’adressant à Virlojeux :
    — Mais alors, votre journal, l’aide financière que vous avez sollicitée auprès de nous pour le publier ? La cassette du duc

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