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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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rapide qu’ont les jeunes gens, il s’était fait au nouveau personnage. Mlle de Morlanges, quant à elle, mimait à nouveau l’indifférence et n’accordait plus au peintre que de brèves œillades.
     
    Une fois le souper achevé, Antoine prit le chemin du retour en compagnie de l’abbé Renard. Avant de monter en voiture, il s’aperçut que Virlojeux l’attendait dans la rue, immobile, le visage éclairé par un flambeau, l’œil, à la fois soupçonneux et inquiet, dardant sous les bords de son feutre.
    — Venez me voir demain, suggéra-t-il en marmonnant, j’ai des nouvelles de notre affaire.
    Le ton de confidence ne laissait subsister aucun doute, Virlojeux faisait allusion à Mlle de Morlanges. Antoine acquiesça d’un sourire et s’installa dans le fiacre. Il était tellement absorbé qu’il ne prêta aucune attention à l’abbé Renard. Ce dernier, en revanche, l’observait tout en réfléchissant.
    — Que penses-tu de cet homme ? demanda-t-il.
    — De qui donc ?
    — Allons, tu sais bien de qui je parle, ce faux avocat et ses carabistouilles.
    — Ma foi, j’étais étonné depuis le début qu’il n’eût pas l’accent de chez nous, pas même une note.
    — Bien, mais son emploi pour le duc d’Orléans, qu’en dis-tu ? N’est-ce pas une nouvelle tromperie ?
    — Comme vous êtes soupçonneux, mon père ! Pouvez-vous imaginer un seul instant qu’un homme puisse se permettre d’inventer une telle fable, de surcroît devant des gens qui approchent le prince tous les jours ? La supercherie serait bien facile à dévoiler et le risque bien trop grand à courir !
    — Oui, tu as probablement raison. Je deviens trop méfiant avec l’âge. Et pourtant, il y a quelque chose que je n’aime pas chez cet homme, quelque chose d’indéfinissable.
    Antoine eut l’expression à la fois affectueuse et narquoise d’une personne qui prend un être cher en défaut.
    — Je croyais qu’il ne fallait pas condamner quelqu’un sur de vagues présomptions ?
    — Eh ! bougonna le prêtre, voilà que tu fais le raisonneur maintenant !
    Ils se mirent à rire.
    La précarité de ce temps rendait les retrouvailles incertaines et donnait un caractère solennel aux adieux. L’abbé Renard fit quelques recommandations à Antoine et ce dernier lui transmit une lettre pour son père. Loin d’être libéré d’une présence importune, le jeune homme vécut la séparation de manière douloureuse.
     
    Le lendemain, cependant, il ne songea qu’à retrouver Virlojeux à l’hôtel de Neuville. Cette fois encore, le comte était absent. L’éminence grise du prince le reçut très aimablement et l’entoura d’attentions. Sa mine était guillerette, son attitude singulièrement folâtre. Il prenait tant d’intérêt aux affaires amoureuses d’Antoine qu’il paraissait avoir rajeuni et s’être mué en complice d’alcôve ou en confident de collège.
    — L’avez-vous revue ? demanda le peintre, fébrile.
    — Mieux que cela, mon cher, je vous ai obtenu un rendez-vous.
    Antoine ne put retenir un mouvement de surprise. Il exultait.
    — Vraiment ? Tout cela est si soudain. Et Montfort ? Son projet de mariage ?
    — Ne vous inquiétez donc pas pour ce cuistre. Il s’apprête à fuir la France avec d’autres talons rouges attachés au comte d’Artois. Que le diable les emporte ! Et s’il en reste à Paris, croyez-moi, la Révolution se chargera de les écraser comme de la vermine.
    Virlojeux eut une expression de haine froide. Il se recomposa aussitôt un masque souriant.
    — Et puis, vous l’avez sans doute constaté, Mlle de Morlanges se moque de ce prétendant. La noble petite fille est bien trop polie pour l’avouer, mais elle considère Montfort comme un fâcheux.
    — Le chevalier est-il le seul à désirer cette union ?
    — Non, l’idée est de Monsieur de Morlanges père, un soldat de l’ancienne école, têtu comme une vieille mule.
    — Il lui trouvera un remplaçant… Et d’ailleurs pourquoi abandonnerait-il sa fille à un bourgeois ?
    — Eh ! Pour son argent, que croyez-vous ?
    Antoine inclina la tête, désappointé.
    — J’aurais dû y penser… Mais que faire pour gagner ses faveurs ?
    — Ne me dites pas que vous songez au mariage, vous ne connaissez même pas cette jeune femme.
    — Vous avez raison, ce n’est pas de saison. S’intéresse-t-elle d’ailleurs seulement à moi ? J’en doute.
    — Il vous reste beaucoup à

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