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Des souris et des hommes

Des souris et des hommes

Titel: Des souris et des hommes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: John Steinbeck
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c'est doux.
    De ses
gros doigts, Lennie commença à lui caresser les cheveux.
    — Ne
m' décoiffe pas, dit-elle.
    Lennie dit :
    — Oh !
c'est bon. — Et il caressa plus fort. — Oh ! c'est
bon.
    — Attention,
tu vas me décoiffer.
    Puis, elle
s'écria avec colère :
    — Assez,
voyons, tu vas toute me décoiffer.
    D'une
secousse elle détourna la tête, et Lennie serra les doigts, se cramponna aux
cheveux.
    — Lâche-moi,
cria-t-elle. Mais, lâche-moi donc.
    Lennie
était affolé. Son visage se contractait. Elle se mit à hurler et, de l'autre
main, il lui couvrit la bouche et le nez.
    — Non,
j’vous en prie, supplia-t-il. Oh ! j’vous en prie, ne faites pas ça.
George se fâcherait.
    Elle se
débattait vigoureusement, sous ses mains. De ses deux pieds elle battait le
foin, et elle se tordait dans l'espoir de se libérer. Lennie commença à crier
de frayeur.
    — Oh !
je vous en prie, ne faites pas ça, supplia-t-il. George va dire que j'ai encore
fait quelque chose de mal. Il m' laissera pas soigner les lapins.
    Il écarta
un peu la main et elle poussa un cri rauque. Alors Lennie se fâcha.
    — Allons,
assez, dit-il. J’veux pas que vous gueuliez. Vous allez me faire arriver des
histoires, tout comme a dit George. N' faites pas ça, voyons.
    Et elle
continuait à se débattre, les yeux affolés de terreur. Alors il la secoua, et
il était furieux contre elle.
    — Ne
gueulez donc pas comme ça, dit-il en la secouant, et le corps s'affaissa comme
un poisson.
    Puis elle
ne bougea plus, car Lennie lui avait brisé les vertèbres du cou.
    Il abaissa
les yeux vers elle, et, avec précaution, enleva la main de dessus sa bouche ;
et elle resta immobile.
    — J’veux
pas vous faire de mal, dit-il, mais George s' foutra en rogne si vous
gueulez.
    Voyant
qu'elle ne répondait ni ne bougeait, il se pencha tout contre elle. Il lui
souleva le bras et le laissa retomber. Un moment il sembla éberlué. Puis il
soupira dans sa terreur :
    — J'ai
fait quelque chose de mal. J'ai encore fait quelque chose de mal.
    Il entassa
du foin jusqu'à ce qu'elle fût partiellement recouverte.
    Des cris
d'hommes et le double tintement de fers sur le métal retentirent au-dehors.
Pour la première fois, Lennie prit conscience du monde extérieur. Il se tapit
dans le foin et écouta.
    — J'ai
fait quelque chose de vraiment mal, dit-il. J'aurais pas dû faire ça. George va
se fâcher. Et... il a dit... et tu te cacheras dans les fourrés, jusqu'à ce que
je vienne te chercher. Il va se fâcher. Dans les fourrés jusqu'à ce que je
vienne. C'est ça qu'il a dit.
    Lennie
retourna vers la femme morte. Le petit chien gisait tout près d'elle. Lennie le
ramassa.
    — J’vais
le jeter, dit-il, y a assez de mal comme ça.
    Il glissa
le chien sous son veston, rampa jusqu'au mur de l'écurie et regarda par une
fente, dans la direction de la partie de fers. Puis il se glissa derrière la
dernière mangeoire et disparut.
    Les rais
de soleil se trouvaient maintenant très haut sur le mur, et, dans l'écurie, la
lumière s'adoucissait. La femme de Curley était étendue sur le dos, à demi
recouverte de foin.
    Tout était
très calme dans l'écurie, et le calme de l'après-midi régnait sur le ranch. Même
le tintement des fers lancés, même les voix des joueurs semblaient s'apaiser.
En avance sur le jour extérieur, la pénombre maintenant envahissait l'écurie.
Un pigeon entra par le vantail grand ouvert pour le passage du foin. Il
décrivit un cercle, puis ressortit. Une chienne de berger apparut au coin de la
dernière stalle. Elle était mince et longue, et ses lourdes mamelles pendaient.
A mi-chemin de la caisse d'emballage où se trouvaient ses petits elle flaira
l'odeur morte de la femme de Curley, et ses poils se hérissèrent sur son dos.
Elle se mit à geindre et, ayant regagné sa caisse d'emballage, elle sauta y
retrouver ses petits.
    La femme
de Curley gisait à demi recouverte de foin jaune. La méchanceté, les
machinations, les rancœurs de sa solitude ne pouvaient plus se lire sur son
visage. Elle était très jolie et toute simple, et son visage était doux et
jeune. Ses joues fardées et ses lèvres rougies lui donnaient l'air vivant, et
elle semblait dormir d'un sommeil léger. Ses boucles, comme de minuscules
tire-bouchons, étaient éparses sur le foin derrière sa tête, et ses lèvres
étaient entrouvertes.
    Comme il
arrive parfois, les minutes s'attardèrent, durèrent bien plus que des

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