Des souris et des hommes
pour quelque chose, moi aussi. J’vais aller dans
notre chambre. Toi, dans une minute, tu sortiras le dire aux autres, et moi, j’m'amènerai
et j’ferai comme si j’l'avais jamais vue. Tu veux bien faire ça ? Comme
ça, les types verront bien que j'y suis pour rien.
Candy dit :
— Pour
sûr, George. Pour sûr que j’veux bien faire ça.
— Bon.
Donne-moi deux minutes, et puis tu sors en vitesse et tu leur dis que tu viens
juste de la trouver. Je file.
George fit
demi-tour et sortit rapidement de l'écurie.
Le vieux
Candy le regarda s'en aller. Désemparé, il reporta ses yeux sur la femme de
Curley, et, peu à peu, son chagrin et sa colère montèrent, jusqu'à s'exprimer
en paroles.
— Sacré
nom de Dieu de garce, dit-il méchamment, t’es arrivée à ce que tu voulais, hein ?
J’parie que te v' là contente. Tout le monde le savait que tu ferais du
grabuge. T’as jamais rien valu. Tu n' vaux plus rien maintenant, sale
fumier.
Il renifla
et sa voix trembla.
— J'aurais
pu sarcler leur jardin et laver leur vaisselle.
Il
s'arrêta, puis il se mit à psalmodier. Et il répétait les vieux mots :
— S'il
y avait eu un cirque ou un match de base-ball... on y serait allé... on aurait
dit simplement : l' travail on s'en fout, et on y
serait allé. On n'aurait rien eu à demander à personne. Et on aurait eu un
cochon et des poulets... et l'hiver... le petit poêle bien rond... et la pluie
qui serait venue... et nous, assis, là, bien tranquilles.
Ses yeux
s'étaient remplis de larmes, et il se retourna, et, lentement, il sortit de
l'écurie tout en frottant avec son moignon les poils hérissés de ses joues.
Au-dehors,
le bruit de la partie cessa. Des voix s'élevèrent ; on discutait. Puis ce
fut un martèlement de pieds, et les hommes firent irruption dans l'écurie.
Slim, Carlson, et le jeune Whit, et Curley et Crooks qui se tenait derrière
pour ne pas attirer l'attention. Candy les suivait, et George arriva le
dernier. George avait mis son veston de serge de coton bleue et l'avait
boutonné. Il avait abaissé son chapeau noir sur ses yeux. Les hommes
franchirent la dernière stalle au pas de course. Leurs yeux distinguèrent la
femme de Curley dans la pénombre. Ils s'arrêtèrent, et restèrent immobiles à la
regarder.
Puis,
tranquillement, Slim s'approcha d'elle et lui tâta le pouls. De son doigt fin
il lui toucha la joue, puis il glissa sa main sous le cou légèrement tordu que
les doigts palpèrent. Quand il se redressa, les hommes se pressèrent autour de
lui et le silence fut rompu.
Curley
revint brusquement à la vie.
— Je
sais qui a fait ça, cria-t-il. C'est ce grand enfant de putain qui l'a fait. Je
sais que c'est lui. Y a pas de doute, tous les autres étaient à jouer aux fers.
Il s'excitait
à la fureur.
— J’vais
lui faire son affaire. J’vais chercher mon fusil. J’le tuerai moi-même,
l'enfant de putain. J’lui foutrai une balle dans les tripes. Allez, venez, les
gars.
Furieux,
il sortit de l'écurie en courant. Carlson dit :
— J’vais
chercher mon Luger.
Et il
s'enfuit lui aussi en courant.
Slim se
tourna tranquillement vers George :
— J’crois
bien, en effet, que c'est Lennie qui a fait le coup, dit-il. Elle a le cou
brisé. Y a que Lennie qui ait pu faire ça.
George ne
répondit pas, mais il opina lentement. Son chapeau lui descendait si avant sur
le front qu'on ne lui voyait pas les yeux.
Slim
continua :
— Peut-être
bien comme cette histoire de Weed que tu me racontais.
De nouveau
George opina.
Slim
soupira :
— Ben,
crois qu'il va falloir qu'on le rattrape. Où c'est que tu crois qu'il est allé ?
Longtemps
George sembla incapable d'articuler un mot.
— Il...
il sera allé vers le Sud, dit-il. Nous sommes venus du Nord, alors, il sera
allé vers le Sud.
— J’crois
qu'il faut qu'on le rattrape, répéta Slim.
George se
rapprocha :
— Est-ce
qu'on ne pourrait pas le ramener ici et le faire enfermer ? Il est cinglé,
Slim. C'est pas par méchanceté qu'il a fait ça.
Slim
acquiesça :
— On
pourrait peut-être, dit-il. Si on peut empêcher Curley de sortir, on pourra
peut-être. Mais Curley va vouloir le tuer, Curley est encore en rogne à cause
de sa main. Et, suppose qu'on l'enferme, et qu'on l'attache, et qu'on le foute
dans une cage. C'est pas guère à souhaiter, George.
— Je
sais, dit George, je sais.
Carlson
rentra en courant :
— Il
m'a volé mon Luger, l'enfant de garce,
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