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Dissolution

Dissolution

Titel: Dissolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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s’effritaient et les échoppes semblaient
pauvres. Les rares passants nous regardaient sans montrer la moindre curiosité.
    Nous parvînmes à la place. D’autres maisons délabrées la
flanquaient sur trois côtés, mais le quatrième était un large quai de pierre. Il
avait sans doute jadis été baigné par la mer, mais aujourd’hui il donnait sur
la boue et les roseaux du marécage désolé s’étendant sous la grisaille du ciel
et dégageant une odeur de sel et de pourriture. Un chenal, juste assez large
pour une petite embarcation, avait été creusé dans la vase et, tel un long
ruban, s’étirait jusqu’à la mer, bande d’acier à moins d’un mille. Sur le
marécage, une file d’ânes étaient attachés ensemble, tandis qu’un groupe d’hommes
remblayaient les bords du chenal avec les pierres tirées des paniers de bât.
    Un spectacle avait de toute évidence eu lieu récemment, car
de l’autre côté de la place un petit nombre de femmes bavardaient près du
pilori, autour duquel s’amoncelaient légumes et fruits pourris. Une pauvresse d’âge
moyen, aux vêtements couverts d’œufs et de poires écrasés, était assise sur le
tabouret, les pieds entravés par les ceps. Elle portait un bonnet triangulaire
marqué d’un « M » pour « mégère ». Ayant reçu un verre de
bière de l’une des commères, elle avait l’air assez joyeuse maintenant, mais
son visage était contusionné et ses yeux tuméfiés. Nous apercevant, elle leva
sa chope à notre adresse en esquissant un sourire. Une petite bande de gamins, les
bras chargés de vieux choux pourris, déboulèrent sur la place en ricanant, mais
l’une des femmes les chassa à grands gestes.
    « Fichez le camp ! leur cria-t-elle d’une voix à l’accent
aussi épais et guttural que celui des villageois. La mère Thomas a compris sa
leçon et fichera maintenant la paix à son époux. Elle sera libérée dans une
heure. Ça suffit ! »
    Les gamins battirent en retraite, lançant des insultes à une
prudente distance.
    « On dirait que les mœurs sont assez douces par ici »,
dit Mark. Je hochai la tête. À Londres, il arrive assez souvent qu’on casse les
dents et crève les yeux des condamnés au pilori à coups de pierres pointues.
    Nous sortîmes de la ville et prîmes la direction du monastère.
La route longeait les roseaux et les eaux stagnantes des marais. Je m’étonnais
qu’il ait pu y avoir des chemins à travers ce répugnant bourbier, mais ce
devait être le cas, autrement les hommes et les ânes que nous avions vus n’auraient
pu y pénétrer.
    « Jadis, Scarnsea était un port prospère, expliquai-je. Ces
marais sont le résultat de l’accumulation de vase et de sable depuis une
centaine d’années. Rien d’étonnant qu’aujourd’hui la ville soit si pauvre. Un
bateau de pêche aurait du mal à passer par ce chenal.
    — De quoi vivent les habitants ?
    — De pêche et d’agriculture. Et aussi, probablement, de
produits de contrebande importés de France. Ils doivent encore payer des loyers
et des droits au monastère afin d’entretenir ces fainéants de moines. Le port
de Scarnsea a été donné en trophée à l’un des chevaliers de Guillaume le
Conquérant, qui a accordé des terres aux bénédictins et fait construire le
monastère. Payé avec des impôts anglais, cela va de soi. »
    Venant de la direction du monastère, un carillon résonna dans
l’atmosphère sereine.
    « Ils nous ont vus arriver ! s’écria Mark en riant.
    — Il leur faudrait de bons yeux. À moins qu’il ne s’agisse
de l’un de leurs miracles. Tudieu, elles en font du vacarme ces cloches ! »
    Les cloches continuèrent à sonner tandis que nous approchions
du mur d’enceinte, le bruit me martelant le crâne. J’étais las et, mon dos m’ayant
fait de plus en plus mal au cours de la journée, je chevauchais désormais
affalé sur le large dos de Chancery. Je me redressai alors de toute ma taille, car
je devais m’imposer dans le monastère dès le début. Ce ne fut qu’une fois sur
place que je me rendis compte de son importance. Les murs recouverts de plâtre
incrusté de silex mesuraient douze pieds de haut. Le domaine enclos allait de
la route à l’extrême bord du marais. Un peu plus bas se trouvait un imposant
corps de garde roman. Nous vîmes sortir du portail à grand fracas un chariot
chargé de barriques et attelé à deux robustes chevaux de gros trait. Nous
tirâmes sur nos rênes et il passa

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