Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Dissolution

Dissolution

Titel: Dissolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
Vom Netzwerk:
guère l’impression
qu’une menace plane sur ce lieu. Ils parlent de restaurer l’église comme si
tout devait durer éternellement.
    — Vous avez vu la manière dont le grand moine m’a
regardé ?
    — Oui. Ça aussi, c’est intéressant. »
    Nous longions le mur du fond de l’église, tout près de la
maison, lorsqu’une silhouette en soutane blanche surgit de derrière un
arc-boutant. C’était le chartreux que nous avions aperçu dans la cour. Le
prieur se planta prestement devant lui.
    « Frère Jérôme ! s’écria-t-il d’une voix dure, pas
de scandale, je vous prie ! Retournez à vos prières ! »
    Le chartreux contourna le prieur, lui lançant seulement un
bref regard de dédain. Je vis qu’il traînait la jambe droite et que pour
marcher il avait besoin de sa béquille, serrée sous l’aisselle. Son bras gauche
déformé pendait, flasque, sur le côté, la main tenue selon un angle incongru. C’était
un homme efflanqué d’une soixantaine d’années et dont les maigres cheveux
autour de la tonsure étaient plus blancs que sa soutane tachée et élimée. Dans
son visage hâve, les yeux brillaient avec la sorte de farouche intensité qui
semble vouloir pénétrer l’âme. Il s’avança vers moi, se déplaçant avec une
surprenante agilité pour éviter le bras tendu du prieur.
    « Vous êtes l’envoyé de lord Cromwell ? » La
voix était fêlée et chevrotante.
    « C’est bien le cas, monsieur.
    — Sachez donc que tous ceux qui auront pris le glaive
périront par le glaive.
    — Matthieu vingt-six, verset cinquante-deux, dis-je. Que
voulez-vous dire ? » Je pensai à ce qui s’était passé au monastère.
« Est-ce une confession ? »
    Il ricana avec mépris.
    « Non, bossu, il s’agit de la parole de Dieu, et c’est
la vérité. » Le prieur Mortimus attrapa sans ménagement le bras valide du
chartreux. Celui-ci se dégagea avec force et s’enfuit en clopinant.
    « Ne lui prêtez aucune attention, je vous prie. »
Cette fois-ci, le prieur était devenu livide et des vaisseaux violacés éclatés
apparaissaient nettement sur ses joues. « Il n’a plus sa tête, ajouta-t-il
en pinçant les lèvres.
    — Qui est-il ? Et que fait donc ici un moine chartreux ?
    — Il est pensionnaire. Nous l’avons accepté pour
complaire à son cousin, un propriétaire terrien de la région. Par charité pour
son état.
    — De quel monastère vient-il ? »
    Le prieur hésita.
    « La chartreuse de Londres. On le connaît sous le nom de
Jérôme de Londres. »
    Je le regardai avec étonnement.
    « Là où le prieur Houghton et la moitié des moines ont
été exécutés pour avoir refusé de prononcer le serment d’allégeance ?
    — Le frère Jérôme a fini par prononcer le serment. Après
que lord Cromwell eut exercé certaines pressions. » Il fixa sur moi un
regard acéré. « Vous comprenez ?
    — Il a été torturé ?
    — Atrocement. Le fait d’avoir cédé lui a fait perdre l’esprit.
Mais il n’a eu que ce qu’il méritait, n’est-ce pas, vu son manque de loyauté… Et
voici comment il nous remercie de notre charité. Il ne perd rien pour attendre.
    — Qu’a-t-il voulu dire tout à l’heure ?
    — Dieu seul le sait. Je vous l’ai dit, il est fou. »
Il se détourna et, poussant une barrière en bois, nous précéda dans le jardin
de l’abbé où quelques pâles roses d’hiver se détachaient sur les branches
épineuses dénudées. Je jetai un coup d’œil en arrière, mais le moine infirme
avait disparu. Je frissonnai au souvenir de ce regard brûlant.

5
    U n gros
homme portant la robe bleue d’un serviteur répondit au coup frappé à la porte
par le prieur. Il nous regarda d’un air inquiet.
    « Voici des envoyés du vicaire général qui veulent voir
Sa Seigneurie de toute urgence. Est-elle là ? »
    Le serviteur effectua un profond salut.
    « Ce terrible meurtre… » Il se signa avec ferveur.
« Nous n’avons pas été avisés de votre venue, messieurs. L’abbé Fabian n’est
pas encore de retour, bien que nous l’attendions d’un moment à l’autre. Veuillez
entrer, je vous prie. »
    Il nous fit entrer dans un vaste vestibule sur les panneaux
duquel étaient peintes des scènes de chasse.
    « Peut-être voudrez-vous attendre dans la salle de
réception ? suggéra le prieur.
    — Où est messire Goodhaps ?
    — En haut. Dans sa chambre.
    — Alors, nous le verrons en premier. »
    Le prieur fit un signe

Weitere Kostenlose Bücher