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Dissolution

Dissolution

Titel: Dissolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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ainsi, cela
veut souvent dire qu’on a abusé d’elle.
    — Avez-vous jamais aperçu des marques ? Des
contusions ?
    — Non. Mais à chaque visite elle paraissait plus abattue.
Et puis un vendredi, six mois après avoir commencé à travailler au monastère, elle
n’est pas venue, ni le vendredi suivant.
    — Vous avez dû vous faire du souci.
    — Pour sûr. J’ai décidé d’aller au monastère pour
découvrir ce que je pourrais. » Je hochai la tête. Je l’imaginais en train
d’avancer sur la route d’un pas décidé et de cogner contre le portail gardé par
maître Bugge.
    « D’abord, ils ont refusé de me laisser entrer, mais j’ai
continué à rouspéter et à faire du tapage, si bien qu’ils sont allés chercher
le prieur Mortimus. Un barbare d’Écossais. Il m’a raconté qu’une nuit Orpheline
avait dérobé deux calices d’or dans l’église avant de disparaître. »
    Copynger opina du bonnet.
    « Ce n’est pas impossible. Ça arrive souvent avec ces
enfants.
    — Pas Orpheline, monsieur. C’était une bonne chrétienne. »
Dame Stumpe se tourna vers moi. « J’ai demandé au prieur pourquoi on ne m’avait
pas prévenue et il m’a affirmé qu’il n’avait aucune idée des gens que la fille
connaissait en ville. Il a menacé de déposer officiellement plainte contre elle
pour vol si je ne m’en allais pas. J’ai avisé messire Copynger, qui m’a déclaré
que sans preuve de malfaisance il ne pouvait rien faire.
    — Il n’y en avait aucune, répliqua le magistrat en
haussant les épaules. Et si les moines avaient officiellement déposé plainte
contre elle, ils auraient marqué un point contre la ville.
    — À votre avis, dame Stumpe, qu’est-il arrivé à cette
jeune fille ? »
    Elle me regarda droit dans les yeux.
    « Je n’en sais rien, monsieur, mais je crains le pire. »
    Je hochai lentement la tête.
    « Mais le juge Copynger a tout à fait raison. Sans
preuve, il ne pouvait rien faire.
    — Je le sais, mais je connaissais très bien Orpheline. Elle
était incapable de voler et de s’enfuir.
    — Si elle était désespérée…
    — Alors elle se serait confiée à moi plutôt que de
risquer la corde pour vol. Mais depuis dix-huit mois personne ne l’a vue ni n’a
eu la moindre nouvelle. Aucune trace.
    — Très bien. Merci, ma bonne, de nous avoir accordé
votre temps. » Je soupirai. Partout les soupçons restaient des soupçons. Je
n’arrivais pas à saisir un indice et à le relier clairement au meurtre de
Singleton.
    Elle nous raccompagna à la grande salle où les enfants qui
triaient les haillons levèrent leurs visages pâles et ratatinés. De l’autre
bout de la pièce on percevait l’odeur fétide des vieilles guenilles.
    « Que font donc vos petits protégés ? lui
demandai-je.
    — Ils cherchent parmi les hardes données par les gens
quelque chose à porter demain. C’est le jour de la distribution des aumônes au
monastère. Le trajet sera pénible par ce temps.
    —  Sans aucun doute, opinai-je. Merci,
dame Stumpe. » Parvenu à la porte, je me retournai. Elle était déjà au
milieu des enfants, les aidant à fouiller dans l’infect tas d’oripeaux .
    **
    Le juge Copynger nous invita à dîner chez lui, mais j’arguai
qu’on devait rentrer au monastère. Nous nous mîmes en route, nos
protège-chaussures crissant dans la neige.
    « Nous arriverons trop tard pour le repas, dit Mark au
bout de quelque temps.
    — Oui. Cherchons une auberge. »
    Nous trouvâmes derrière la place une hôtellerie d’aspect
plutôt respectable. L’aubergiste nous conduisit à une table d’où l’on
apercevait le quai. Chargée de balles de tissu, l’embarcation de tout à l’heure
était propulsée à la rame avec précaution dans le chenal, en direction du
bateau mouillant au large.
    « Sangdieu ! s’exclama Mark, j’ai une de ces faims !
    — Moi aussi. Mais on évitera de prendre de la bière. Sais-tu
que selon la règle originelle de saint Benoît les moines n’avaient droit qu’à
un seul repas par jour en hiver, le dîner ? Il avait édicté la règle pour
le climat italien, mais on l’avait d’abord gardée en Angleterre. Imagine, réciter
des prières debout pendant des heures, chaque jour, en plein hiver, en ne
prenant qu’un seul repas ! Mais, évidemment, au cours des ans et au fur et
à mesure que les monastères s’enrichissaient, on est passé à deux repas par
jour, puis trois, avec viande,

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