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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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non pour prier Dieu mais pour entendre chanter les anges. N’étant pas assez bien née pour rejoindre ces chorales religieuses, ou trop fière pour accepter que l’on puisse rire de mes pieds nus, de mes cheveux au vent, je restais assise sur un banc. Faute de rayonner là, sous cette voûte parfumée d’encens, j’allais chaque jour au lavoir me mêler aux femmes du peuple, qui, chez nous, à Rome, ne peuvent travailler, plonger les bras dans l’eau, sans fredonner l’un de ces airs si simples et si beaux qu’il semble avoir été inventé par un enfant au milieu des nuages. J’ai voulu te rencontrer, à la fin du spectacle. Tous venaient te féliciter. J’ai attendu que les gens riches, que tout ce beau monde s’écarte enfin pour me laisser passer. J’avais une robe rouge taillée d’une pièce dans un tissu bon marché, cette fois-là, encore, je ne portais pas de chaussures aux pieds.
    Le cardinal l’interrompt, la voix tremblante :
    — Pourtant toutes ces dames fardées, toutes ces femmes parfumées, en te voyant si belle et si naturelle, t’enviaient tes couleurs, ton éclat et tes apprêts : le vermillon de tes lèvres, la transparence de tes yeux, ce coquillage de nacre accrochée à ton cou d’un fil d’osier, ce coquelicot en fleur suspendu à ton oreille.
    Émue, l’Italienne reprend :
    — Tu te souviens ? Il est vrai que tu as toujours eu bonne mémoire. Je t’ai emmené là où tu n’allais plus depuis des années, dans les jardins sauvages, les rues bruyantes, sales et violentes de Rome. Pendant plusieurs semaines, plusieurs mois, tu ne parvenais plus à te remettre à l’étude. Nous nous aimions, nous vivions un rêve au paradis. Mais les bonnes choses ont une fin, paraît-il. La vérité va te faire mal, peut-être… un peu. Moi, j’ai bien souffert. Tu voulais cacher notre liaison, mais en Italie tout se sait, lesgens vivent dehors et les gens parlent. Ton père est venu me voir, un beau jour. Peu de temps auparavant, il avait été accusé d’avoir tué un homme, à la suite d’une mauvaise histoire. Les Colona, ces héritiers de César, chez qui il tenait les fonctions de chambellan, avaient obtenu sa grâce. Pourtant la confiance entre eux était rompue. Tout l’avenir de ta famille reposait désormais entre tes mains. Tu étais porteur d’espérance. Les fils Colona t’appréciaient. Tu faisais ton chemin dans le monde. Mais sur ce chemin, il n’y avait pas de place pour moi. Pour toi, on voyait de grandes choses : peut-être l’Église, et donc le célibat, ou de nobles alliances, et alors une épouse fortunée et respectable. Ton père n’a pas eu à trop insister. Il s’est bien fait comprendre. Si je t’aimais, il fallait que je te quitte, que je disparaisse… loin, le plus loin possible. Alors je suis partie. J’ai obéi mais je ne suis pas partie seule…
    Le cardinal, certainement éprouvé, demande à comprendre :
    — Avec un autre homme ?
    L’Italienne fait semblant de rire. Mais bien vite, elle redevient sérieuse.
    — Avec un enfant.
    Un silence plane dans la pièce.
    L’Italienne poursuit, alors que le cardinal ne peut plus douter.
    — Ton enfant. Notre enfant. Une fille. Comment pouvais-je te le dire ? Ton père est venu me trouver quand j’allais t’annoncer cette bonne nouvelle . »

Confidence aux lecteurs
    D’Artagnan, ce jour-là, a tout entendu. Mais s’il peut se confier au roi, à cet enfant illustre il ne peut pas tout dire. La première des choses qu’il préfère taire, la voici. Nous, nous devons savoir. D’Artagnan a volontairement modifié quelque peu la confession de l’Italienne. Car Desdémone, ou plutôt Lucia, ne put taire au père du futur prélat, à Pietro Mazarini, la vérité. Et la vérité, la voici : elle lui avoua être enceinte, espérant sans doute que cette annonce allait tout changer.
    Oh certes, cet enfant remettait tout en cause. Il fallait dire adieu aux promesses d’élévation, aux désirs de richesses, à l’ascension de son nom. Tout cela, Pietro Mazarini ne pouvait y consentir. Pour rien au monde. Il avait trop souffert, de son humiliation, de sespropres désillusions. Et puis, il jugea cette femme légère . « Elle a piégé mon fils, elle nous a tous piégés. Elle espère nous attacher à elle et nous ligoter dans la pauvreté, par le cordon qui la relie à cet enfant. » Il fallait agir vite, dans le silence et le secret. Pietro Mazarini ne dit rien à son fils. Il alla trouver un

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