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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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vous avez mis en fuite m’a fait des approches. Diable, un gentilhomme, ce n’est pas rien ! Je l’ai trouvé à mon goût, je ne le cache pas… et puis, c’est pas tous les jours qu’une fille comme moi peut avoir la chance d’être admirée pour ce qu’elle est par quelqu’un d’aussi…
    — … Riche.
    — Et pourquoi pas ! C’est pas Hercule qu’allait m’en promettre des diamants à chaque doigt, des parterres de roses, un rêve d’or et d’azur. Même si les rêves, ça s’évapore avec la lumière du jour.
    Mais le don Juan ne se laisse pas émouvoir. Il voit plus loin. Il devine quelque chose. Il veut en avoir la preuve.
    — Qui t’a payée ?
    — Comment ?
    — Qui t’a payée pour jouer cette mascarade ?
    — Quelle mascarade ?
    — Nous ne sommes pas à l’hôtel de Bourgogne et je n’ai pas la tête d’un jeune premier. Tu mens. Tu t’es fait acheter. Tu aimes Hercule, mais c’est vrai, tu aimes encore plus ce qui brille… et ce qui brûle. C’est une femme, n’est-ce pas, qui t’a poussée à le rendre jaloux, à le rendre fou… Mais tant qu’à faire, autant ne pas perdre au change… s’il faut quitter celui qui est grand, noble et généreux, que ce soit pour celui qui a le nom, la bourse pleine et le mépris du reste !
    — Comment savez-vous ?
    Mais au lieu de répondre, le don Juan continue :
    — Et cette femme, fort belle, d’une beauté à se damner. Cette femme qui a dû te donner plus d’or que tu n’en as jamais vu de ta vie, cette femme qui t’a soudoyée, cette femme qui a étouffétes sentiments naturels sous le poids d’un sac d’argent, cette femme a un accent italien, n’est-ce pas ?
    — Oui, répond simplement la comédienne.
    L’aventurier la fixe du regard et lui parle avec ces termes qui sentent le vécu :
    — On t’a trompée. L’or ne donne rien, il prend tout, tout ce qui n’a pas de prix. Ce menteur est un voleur. Et c’est justement parce qu’il nous dévalise de fond en comble qu’il nous permet d’oublier qui nous sommes, ceux que nous avons fait souffrir, ceux que nous avons laissé mourir…
    La comédienne baisse les yeux. Elle cache sa honte. Elle va reprendre la parole mais don Juan de Tolède l’interrompt sur-le-champ. Il lâche le bras de cette jeune femme et la congédie avec froideur :
    — Va-t’en, Chimène ! Ôte-lui ton amour, mais laisse-nous sa vie .
    De l’abîme à l’inconnu
    Sur ces mots, ceux de l’infante dans Le Cid , don Juan se tourne vers moi.
    — D’Artagnan, dans l’état où il est, Hercule est capable de tout. Je crois qu’il vaudrait mieux essayer de le retrouver.
     
    C’est aussi mon avis. L’aventurier n’a pas besoin d’en dire davantage, je suis déjà parti à la recherche du malheureux. Je suis guidé en chemin par ces passants qui ont aperçu la silhouette d’Hercule, aisément reconnaissable. Un jeune homme défait et hagard, ne passant point inaperçu à une heure si tardive. Je remonte la piste et parviens enfin à l’apercevoir. Il est debout, sur le rebord du Pont-Neuf. Il songe sans doute à se jeter dans les eaux du fleuve, à s’offrir en sacrifice aux dieux des profondeurs. Je ne suis qu’à quelques pas de lui. Je m’apprête à le rejoindre au-dessus du vide, à plonger après lui pour repêcher ce cœur brisé. Mais une voiture arrive avant moi. Au lieu d’avancer plus loin, je me range contre l’une de ces nombreuses masures qui jalonnent le pont. La voiture s’arrête. L’escorte vient derrière. L’Italienne – car c’est elle – n’est pas seule, elle protège son acquisition.
    — Votre souffrance est donc si forte que vous ne pouvez vivre avec ? demande Desdémone par la fenêtre de son carrosse.
    Le jeune homme tourne la tête.
    — Vous ne pouvez comprendre, madame.
    Évidemment, cette douleur ne peut-être que la sienne.
    — Détrompez-vous, dit-elle.
    Après un instant de silence, l’empoisonneuse reprend, d’une voix émue :
    — Je ne tiens pas à revoir le monde une dernière fois, puisque je ne pourrais y vivre à tes côtés. Ne pleure pas sur ce corps que j’abandonne comme un gant trop étroit. Je reprends ma liberté… je serai partout avec toi. Dans le ciel qui t’environne, dans la voix de l’oiseau qui chante à ta fenêtre, dans l’eau que tu bois, dans la fleur que tu respires, dans les larmes qui couleront de tes yeux… la mort est passagère mais l’amour est immortel. Ce sont les derniers mots d’un homme que

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