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Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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demander s’il aimait Léonor d’Ulloa. Il eut un long soupir.
    Deux larmes brillèrent à ses paupières. Il couvrit ses yeux de sa main, non pour cacher ses larmes d’amour, mais pour évoquer l’image adorée et l’adorer encore en une contemplation d’extase. Il murmura :
    – C’est vrai… vous ne savez pas… oh ! vous ne savez pas que je l’aime. Mais savez-vous du moins ce que c’est qu’aimer ? Avez-vous pleuré des pleurs plus salés que l’eau de mer, plus corrosifs que les poisons rongeurs ? Avez-vous, en vain, supplié le sommeil de clore un instant vos paupières en feu ? Avez-vous souhaité d’être un dieu pour apparaître à celle qui se refuse dans la gloire flamboyante des divinités de l’Olympe, et l’attirer à vous d’un seul regard ? Non, non ! Vous ne pouvez savoir ce que peut être l’amour de don Juan pour Léonor d’Ulloa, et quand je vous dis que je l’aime, je ne vous ai rien dit.
    – Tout au moins, railla Loraydan, suis-je muni de quelque vague notion de ce qu’on appelle l’amour. Quant à la dame d’Ulloa, je comprends la passion qu’elle vous a inspirée. Certes, il y a dans cette jeune fille un je ne sais quoi qui charme tout ce qui l’approche.
    – Vous la connaissez donc ? fit Juan Tenorio soudain soupçonneux.
    Et Loraydan répondit :
    – Léonor d’Ulloa EST MA FIANCÉE…
    Don Juan pâlit. Il se dressa. Son regard se chargea d’insultes. Sa main nerveuse tourmenta la poignée de sa dague. Il gronda :
    – Votre fiancée ?
    – Ma fiancée, répéta Loraydan.
    – Voilà donc pourquoi vous m’avez attiré ici ! fit Tenorio d’une voix blanche. Vous aviez raison, comte de Loraydan, vous aviez raison de dire que, quand je sortirais de votre hôtel, nous serions ennemis mortels…
    – Ou amis jusques à devenir frères, rectifia tranquillement Loraydan. Seigneur Tenorio, tenez-vous en repos. Je vous en supplie ; pas un mot, pas un geste que je sois forcé de relever… cela nous conduirait tous deux à la mort.
    – Tous deux ?… L’un de nous, voulez-vous dire… à moins que ne se termine par un coup fourré le duel que je pressens inévitable.
    – Hé ! Par la mort de tous les diables ! qui parle de duel ? Oui ou non, voulez-vous que je vous aide à conquérir votre Léonor ?
    – Que vous m’aidiez ? Vous ? Le fiancé ?
    – Je suis fiancé par ordre de votre empereur et de mon roi, mais non par ordre de ma volonté ou de mon cœur. Le fait est que la dame d’Ulloa, par suite de ces fiançailles, est devenue un obstacle à ma fortune et à mon bonheur. Je souhaite ardemment que l’obstacle disparaisse. S’il ne dépendait que de moi, votre mariage avec Léonor d’Ulloa serait célébré demain…
    – Ne m’en dites pas plus ! s’écria don Juan radieux. De ce moment, mon cher seigneur, tenez-moi pour votre ami le plus sûr. Disposez de moi : je suis tout à vous.
    Et Juan Tenorio, d’un geste d’abandon plein de grâce, tendit sa main que le comte de Loraydan, assez tiède partisan de ce genre de démonstrations, serra sans effusion.
    – Nous sommes donc alliés ? dit Amauri.
    – Je suis votre fidèle ami.
    Loraydan, sur son allié, jeta un étrange regard. Ami ! Ce mot si joli, si noble dans son sens, si gracieux dans sa contexture, n’éveillait en lui aucune émotion bienfaisante. Pouvait-il être l’ami de quelqu’un, lui ? Il eut une sorte de rire qui étonna don Juan, et il dit :
    – Puisque nous sommes alliés, j’entends alliés à la vie à la mort, vous devez écouter mes avis comme j’écouterai les vôtres. Réglons donc tout d’abord l’affaire de cette nuit. Vous avez offensé le roi de France. Il y a eu lèse-majesté : c’est la mort, seigneur Juan Tenorio ! Mais encore faut-il que le roi sache le nom de l’insulteur pour le faire arrêter et condamner. Il ne le sait pas. Les deux gentilshommes qui escortaient Sa Majesté ne savent pas davantage ce nom. Seul je sais que l’insulteur du roi de France s’appelle don Juan Tenorio. Je jure de nier toujours que je sache le nom de l’insulteur…
    – Cher comte !…
    – À votre tour, Juan Tenorio. Jurez de nier toujours que vous soyez venu cette nuit aux abords de l’hôtel d’Arronces… Niez ! Niez hardiment ! Quel que soit le jour ou le lieu, quelles que soient les circonstances, niez que vous soyez venu cette nuit dans le chemin de la Corderie ! Votre salut est à ce prix… Et comme don Juan

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