Du sang sur Rome
taille, retenue par une ceinture. Sa peau était étonnamment lisse et
tendre. Des bijoux discrets paraient sa nudité : des bracelets d’argent
aux poignets, et une mince chaîne, qui dessinait une courbe admirable au-dessus
de ses seins. Elle ne prêtait pas attention à Tiron, qui la contemplait à
loisir, avec une intensité presque douloureuse.
— Je te suggère de me répondre sans détours. Après
tout, j’ai payé pour toi. Si tu ne me donnes pas satisfaction, j’irai me
plaindre à ton maître et me faire rembourser. Peut-être qu’il te battra.
Elle eut un petit rire de gorge.
— Je ne le crois pas. Ni toi non plus.
Elle prit un peigne et un petit miroir à main sur la table,
et entreprit de se coiffer. Elle était franchement merveilleuse. Mon hôte
aurait dû en demander le double.
— Tu as raison. Je n’ai dit cela que pour émoustiller
le garçon.
Elle quitta son miroir le temps d’arquer un sourcil vers
moi.
— Tu as l’esprit taquin. Ne perdons pas trop de temps à
ces enfantillages.
— Parle-moi d’Elena. Quand est-elle partie ?
— C’était cet automne, je crois. Avant l’hiver.
— En septembre ?
— C’est possible, oui. Juste après les Grands Jeux. Je
m’en souviens, car les jours fastes nous amènent toujours tant de monde. Fin
septembre.
— Quel âge a Elena ?
— C’est une enfant.
— Comme Talia ?
— J’ai dit une enfant, pas un bébé.
— Peux-tu me la décrire ?
— Très jolie. Une des plus jolies filles de la maison,
d’après moi. Châtain, avec une peau de miel. Je crois qu’elle est d’origine
scythe. Un corps épanoui pour son âge, avec une belle poitrine, des hanches
larges, la taille très fine. Comme elle était fière de sa taille !
— Avait-elle un client régulier ? Un homme qui
semblait tenir à elle ?
Electra parut mal à l’aise.
— C’est pour cela que tu es venu ?
— Oui.
— Es-tu un ami de cet homme ? Comment s’appelle-il
déjà, Sextus ?
— Il s’appelait Sextus, oui. Non, je ne le connaissais
pas.
— Tu en parles comme s’il était mort.
— C’est le cas.
Elle posa le miroir et le peigne sur ses genoux.
— Et Elena ? Étaient-ils ensemble quand il est
mort ? Sais-tu où elle se trouve à présent ?
— Je ne sais que ce que tu voudras bien me dire.
— C’était une fille charmante. Si délicate. (Une
profonde tristesse s’empara soudain d’Electra, qui n’en fut que plus belle.)
Elle n’est pas restée bien longtemps. Une année, peut-être. Le maître l’avait
achetée aux enchères au Temple de Castor, avec une demi-douzaine de filles de
la même race. Mais c’était elle, la perle, bien qu’il ne s’en soit pas rendu
compte.
— Contrairement à Sextus.
— Le vieux ? Oh, que oui ! Après la première
fois, il est revenu une ou deux fois par semaine. Vers la fin, il passait tous
les deux jours.
— Vers la fin ?
— Quand elle est tombée enceinte.
— Enceinte ? Et de qui ?
Electra rit.
— Au cas où tu l’aurais oublié, nous sommes dans un
lupanar ici. Tous les clients ne se contentent pas de regarder une femme se
peigner. Personne ne sait jamais qui est le père… Mais les filles aiment à s’imaginer
des choses. C’était la première fois pour Elena. Je lui ai conseillé d’avorter,
mais elle a refusé. J’aurais dû la dénoncer au maître.
— Et tu ne l’as pas fait. Pourquoi ?
— Je te le répète, Elena était si charmante, si
fragile. Elle désirait si fort son bébé. Je me suis dit que si elle arrivait à
le cacher assez longtemps, le maître serait bien obligé de l’accepter, même s’il
ne lui permettait pas de le garder avec elle.
— Mais Elena s’est confiée à quelqu’un d’autre que toi.
Elle s’imaginait des choses, dis-tu. Quel genre de choses ?
Ses yeux étincelèrent de colère.
— Tu le sais parfaitement, je le vois à ta question. D’accord,
elle a prévenu le vieux Sextus qu’elle était enceinte. Enceinte de lui. Et ce
vieux fou l’a cru. Il arrive que les hommes de cet âge souhaitent ardemment
faire un enfant. Il avait perdu son fils, tu sais. Il lui en parlait sans
arrêt. C’est pourquoi elle savait qu’il la croirait. Et qui sait ? L’enfant
était peut-être vraiment de lui.
— Mais en quoi cela pouvait-il aider Elena ?
— À ton avis ? C’est le rêve de toutes ces pauvres
filles, avant qu’elles aient du plomb dans la tête. Un homme riche
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