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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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s’enfonçait sans ménagement dans ses entrailles qui se révulsaient, et
un mouvement lent et inexorable déchirait son ventre en un intolérable supplice.
    Yolande sentait ses mains plus que jamais broyées
par celle de la parturiente, ses ongles lui déchiraient la peau. La duchesse d’Anjou
souffrait ainsi avec elle, les larmes aux yeux.
    — Cessez, hurla la reine, ou faites-moi
mourir !
    Ozanne lui embrassait le front, lui caressait les
cheveux, poissés de transpiration, et pleurait de sa douleur.
    — Je tiens la tête, lança à nouveau Arégonde.
    — Elle le tient ; encore un instant, et
cela sera fini, lui murmura Ozanne avec compassion.
    — Allez, madame, cria une Arégonde invisible,
il n’est plus temps de geindre, il est déjà tout bleu. Bougre non ! Je
viens d’accoucher un mort-né, je ne veux pas d’un deuxième ! Poussez, madame,
poussez de toutes vos forces.
    Yolande et Ozanne prirent Isabelle par les épaules
et la soutinrent tandis qu’elle s’arc-boutait, prenait une grande respiration, et
poussait dans un long gémissement guttural.
    — Encore, madame, encore, il arrive ! l’encourageait
la maîtresse cuisinière de sa voix de stentor.
    La reine reprit son souffle et poussa à rendre l’âme.
Elle se sentit brusquement vidée comme une truie et se laissa retomber sur les
oreillers, épuisée : « Plus jamais, se dit-elle, plus jamais. »
Puis elle s’avisa du silence, sous la toile qui lui masquait les ventrières. Mais
avant qu’elle ne demande s’il était mort, des vagissements emplissaient la
chambre.
    — C’est une fille, dit joyeusement Arégonde.
    « Pardi ! se dit la reine. Elle est de
Charles. »
    En mars, le roi avait eu une crise longue et
violente. Suivant les conseils de M me  de Louvain, ses
valets, déguisés en maures, l’avaient saisi par surprise et, profitant de son
état de stupeur, ils l’avaient baigné, récuré, lui avaient taillé barbe et
cheveux, et soigné les pustules dues à la crasse. Puis ils l’avaient habillé de
propre. Il en était resté comme un enfant étonné et avait réclamé la reine. Il
s’était réfugié dans son giron, pleurant, appelant sa mère, et elle l’avait
bercé comme une mère. Puis il en avait demandé plus, elle s’était soumise sans
plaisir, mais heureuse qu’il en eût grand soulagement, et il s’était endormi, comme
d’habitude. De cette seule étreinte venait de naître la petite fille.
    Il se fit soudain grand tapage hors de la chambre,
elle entendit brailler un ho mm e :
    — Il s’arme, il arrive, il vient ! Nous
faisons tout pour le retarder, mais au nom du Ciel, cachez l’enfant, il veut l’occire
de son épée !
    Une chambrière entra et lança tout affolée :
    — Monseigneur le roi arrive. Il sait que
madame la reine est en gésine et crie à la traîtrise, et prétend qu’il n’a
point vu sa femme de dix mois…
    — C’est pas Dieu possible ! gronda
Arégonde. S’il doit tuer un nourrisson, alors qu’il soit déjà mort. Je vais
quérir le mort-né de ma cuisinière !
    Dans la panique générale, Yolande d’Aragon se
saisit du nourrisson encore gluant, l’enveloppa chaudement d’une couverture et
s’approcha d’Isabelle.
    — Je m’en occupe, madame, je vais la mettre
en sécurité.
    — Faites, madame, sauvez la fille du roi !
    Isabelle était tout étourdie du tumulte qui se
faisait dans et hors de la chambre. On enleva les arceaux et les linges sanglants,
on la recouvrit de la courtepointe sans lui faire sa toilette. Elle avait
manqué de vigilance, songeait-elle, à se faire voir du plus grand nombre auprès
de son mari lorsqu’elle se doutait qu’elle était enceinte. Ironie du sort, elle
n’était plus l’amante d’Orléans et n’avait pas pensé que cela fût nécessaire. Et
Charles VI, le plus souvent, ne se souvenait pas de ce qu’il avait fait la
veille.
    — Il faut vous reprendre, madame, lui
chuchota Ozanne. Personne ne peut contenir votre époux, sauf vous.
    — Qu’en est-il ? lui demanda-t-elle.
    — Arégonde a mis dans la nacelle le petit
mort-né. D’autres s’emploient à l’entourer aux quatre coins de cierges allumés.
Le roi est derrière la porte.
    Isabelle l’entendait :
    — Laissez-moi entrer, que personne ne me touche,
ou je vous ferai pendre ! Je suis le roi, je dois rendre justice !
    Les vantaux s’ouvrirent à grand fracas. Dans les
bras d’Oz ann e qui tremblait, la reine se tenait assise dans

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