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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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de Graville !
    Pierre Aycelin de Montaigu en fut épouvanté. Ainsi
donc, son impitoyable ennemi était à Pampelune. Laon ne douta pas un seul
instant du rôle criminel de Bois-Bourdon : des trois violeurs, il restait
le seul qui ait échappé à sa vengeance… mais jusqu’à quand ?
    Isabelle aussi avait pâli en entendant le nom de
son amour perdu, et fut envahie par la même certitude : Charles le Mauvais
n’était-il pas l’un de ces princes qui l’avaient mis à mal ?
    — Le Ciel ne se met-il pas enfin de notre
côté, madame ? chuchota Charles à son oreille. Gardez sur ceci le secret
le plus absolu, c’est le sénéchal du Berry qui nous a bien vengés.
    Ainsi, le roi confirmait. Elle frémit en songeant
qu’elle s’était abandonnée dans les bras d’un homme aussi implacable. La peur
se mit à sourdre en elle : ainsi personne, aussi haut placé qu’il fût, n’était
à l’abri, et l’on pouvait assassiner sans vergogne roture comme tête couronnée.
    La reine gênait les ambitions de Bourgogne. Après
avoir tenté de la faire répudier, n’irait-il pas aussi jusqu’au crime pour se
débarrasser d’elle ? Sa position s’était à nouveau affaiblie depuis qu’elle
n’était plus la mère de l’héritier de la couronne. Il y en avait déjà qui, sans
scrupule, avaient hautement critiqué son excès de douleur à la mort du Dauphin,
un excès jugé indigne de sa condition.
    Tout à ses appréhensions, c’est à peine si elle
entendit Charles VI qui lançait avec allégresse :
    — Je vais commander banquets, tournois et
moult festivités pour fêter comme il se doit cette heureuse mort ! Je veux
que chacun ait sa part de contentement.
    Il fut approuvé bruyamment aux cris de « Noël,
Noël ! Vive le roi ! ».
    Porté par l’approbation générale, il s’exalta de
plus belle.
    — Nous allons faire grand procès au Grand
Empoisonneur pour ses crimes ! Et nous ferons si bonne justice que nous
confisquerons tous les biens qu’il possède en France.
    Les acclamations redoublèrent, qu’il apaisa d’un
geste théâtral. Chacun se tut, tandis qu’il prenait tendrement les mains d’Isabelle
dans les siennes et les baisait cérémonieusement.
    — Ma gente dame, ces biens vous reviendront
et vous constitueront un premier douaire, annonça-t-il d’un ton ostensible. Je
veux ainsi réparer le tort que je vous fis en vous prenant sans dot.
    Aussitôt, des « Vive la reine ! »
éclatèrent.
    — Est-ce là don de Joyeux Avènement ? demanda
finement Mézières qui s’était rapproché du roi.
    Le don de Joyeux Avènement désignait les présents
de toutes sortes qui étaient faits à l’occasion d’un couronnement. Cette
allusion au sacre d’Isabelle, que cette dernière lui réclamait toujours au nom
de la parole donnée, assombrit brusquement Charles VI. Il songea au duc
de Bourgogne qui le boudait présentement, car il se refusait toujours à
épouser sa querelle avec de Gueldre. Il souffrait de cette brouille, et
faire sacrer la reine irriterait bien plus encore son bel oncle contre lui. Il
éluda la question du vieux maître avec humeur :
    — Nous y pensons, monsieur de Mézières, nous
y pensons.
    Et lâchant brusquement la main de sa jeune épouse,
il rejoignit ses courtisans, visiblement fâché qu’on lui gâchât ainsi si belle
journée.
     
    Isabelle avait les yeux brillants d’humiliation. Philippe
de Mézières reprit cette main que le roi avait abandonnée et l’entraîna à l’écart,
en direction de la fauverie. Docile, elle le suivit.
    — Vous m’aviez appelée à prendre de la
hauteur, messire, gémit-elle. Et voyez comme l’on m’abaisse.
    Il ne répondit pas immédiatement, laissant la
reine se vider de son amertume par les larmes qui s’étaient mises à rouler sur
ses joues. Ce sacre représentait beaucoup pour elle, car ointe des saintes
huiles, elle serait protégée de ses ennemis par la grâce de Dieu, comme le
voulait la coutume. Sa personne, comme celle du roi, devenait sacrée, nul ne
pouvait y toucher sans en être damné à jamais.
    Ils marchèrent ainsi un instant en silence. Isabelle
portait une simple robe de velours vert d’eau à longues manches traînantes, l’une
d’elles s’accrocha à un bosquet d’églantiers. Mézières l’en détacha alors que
la reine, le visage caché dans ses mains, éclatait brusquement en gros sanglots :
les églantines lui avaient évoqué la petite Catherine de France,

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