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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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écoutait les explications affolées de
la chambellane.
    — Ozanne, acheva celle-ci comme un reproche, tu
m’as trop fait dormir.
    — Il le fallait, pour l’enfant. Va, Catherine,
va prévenir la duchesse de Bourgogne et le duc de Berry. Moi je pars
sur-le-champ à Charenton alerter le sire de Graville.
    Puis elle donna son panier à la suivante en lui
ordonnant de porter la récolte à l’herboristerie, et se dirigea d’un pas rapide
vers les écuries.
    — Ozanne, non ! Pas toute seule, supplia
Catherine en la poursuivant. Tu ne peux courir seule les chemins, il va faire
nuit… et l’on se bat à Charenton. Par pitié, n’y va pas !
    — Je dois prévenir Bois-Bourdon.
    — C’est au péril de ta vie.
    La demoiselle de Louvain s’arrêta et se
retourna.
    — Ma vie m’importe peu, je l’ai vouée au roi
et à la reine. Le Seigneur disposera de moi en cette équipée. (Elle la prit dans
ses bras.) Ne t’alarme pas, ma chère sœur, et garde-toi. Tu portes l’enfant d’Adémard.
Tu es la dépositaire de l’amour et du don de Dieu. Et prie, pour la reine… et
pour moi.
    Elle l’étreignit encore un instant et la quitta.
    Catherine la regarda partir comme si elle la
voyait pour la dernière fois. En entendant dans le lointain sonner le
couvre-feu, elle se reprit, et courut alerter les gens du château.
     
    Quelques minutes plus tard, Ozanne se présentait à
la poterne du pont-levis. Elle avait enfourché le plus fort des destriers, à
même les cuisses, jupe retroussée. Elle hurla alors que le cheval se cabrait et
tournait sur lui-même, rendu fou par la poigne de la jeune fille :
    — Service de la reine. Place, place ! Madame
Isabelle est en grand péril. Ouvrez au nom du Christ ! Faites sonner l’alarme
et prenez les ordres de M me  de Bourgogne et monseigneur de Berry.
    Ahuris, les gardes avaient obtempéré sans discuter.
Nulle fille ne pouvait s’engager ainsi sans raison grave.
    — La citadelle de Charenton ? hurla-t-elle
encore.
    — Droit sur le chemin de Charonne, lui
désigna-t-on du bras. Coupez franc le chemin de Vincennes. Au carrefour des
Trois Pendus, tournez à dextre sur le chemin de Charenton.
    — Attendez, demoiselle, que j’aille quérir un
cheval ! Il vous faut compagnie, l’adjura une autre voix.
    Mais Ozanne s’était déjà enfoncée seule entre chien
et loup, à toute bride.
    *
    L’ombre s’épaississait sous les hautes futaies du
bois de Vincennes. Isabelle et Louis avaient suivi la harde pendant un moment. Le
grand cerf à dix cors qui la menait ne s’était pas inquiété d’eux, comme s’il
savait qu’ils n’étaient pas en chasse. Et puis, biches, faons, daguets, andouillers
avaient été engloutis dans le sous-bois, comme par enchantement. Alors ils s’étaient
aperçus que la forêt et ses sortilèges s’étaient refermés sur eux. Ils s’étaient
perdus.
    Il n’y a pas de lieux plus terrifiants que les
ténèbres au cœur des forêts profondes. Elles sont le refuge des puissances du
mal, le séjour des géants et des monstres, des sabbats de Satan, des fées et
des magiciens. Elles abritent proscrits et brigands, ermites et hommes sauvages
comme ceux du charbon. Et Vincennes était celle qui avait la plus mauvaise
réputation, sur laquelle couraient des légendes des plus horrifiques.
    La nuit était tombée.
     
    Non loin de là, les trois gardes du cardinal de Laon
tournaient en rond à un carrefour forestier. L’ombre géante des grands arbres
environnants inquiétait les chevaux qui sabotaient la terre battue. Ils se
parlaient à voix étouffées.
    — Ils reprendront forcément l’allée aux cerfs
pour retourner.
    — Ils se sont perdus, te dis-je, comme on les
a perdus.
    — Que le Diable les emporte ! Le cardinal
nous fera bastonner.
    *
    Au château de Beauté-sur-Marne, la duchesse
de Bourgogne organisait les opérations dans la cour haute, en véritable
chef de guerre. Dès qu’elle avait été prévenue par Catherine de Fastatavin,
elle avait su la reine et le prince d’Orléans en grand péril. Nul honnête homme,
et plus encore une femme, ne s’aviserait d’être encore seul dehors, sans bonne
escorte armée. Il était forcément arrivé quelque chose aux deux fugueurs. Mais
où les chercher ? Où battre la campagne ?
    Il n’y avait de recours que par elle, le duc
de Berry étant cloué dans un fauteuil par une crise de goutte. Lui, vrai chef
militaire, maudissait son impuissance. Il était

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