Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Edward Hopper, le dissident

Edward Hopper, le dissident

Titel: Edward Hopper, le dissident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Rocquet
Vom Netzwerk:
habiteront au 3 Washington Square North, à New York, à Greenwich Village, où Edward habitait avant leur mariage. Au quatrième étage, dans un appartement chauffé par un poêle, mal chauffé. Edward, jusqu’à un âge avancé, montait le charbon
nécessaire. L’immeuble appartenait à une institution artistique ; un certain nombre de peintres y logeaient. Hopper a peint la vue qu’ils avaient, de leur fenêtre, sur les toits et la ville. Spectacle sans gaieté ni pittoresque, sans grâce. Quand Hopper commença d’être connu, respecté, honoré, exposé, et de vendre à bon prix sa peinture, ses aquarelles, ses gravures, ils continuèrent à vivre là, comme ils avaient toujours vécu ; mais ils firent bâtir une maison à Cape Cod, à South Truro. Ils y passaient l’été, retournant à New York à l’approche de l’hiver, dès l’automne. Ils aimaient Truro, sa solitude, le grand vent, son odeur, les collines de sable, presque désertes, autour de chez eux, la belle lumière, les maisons dans les creux du paysage, des fermes, des granges. Pas de voisins ; pas de commerce proche : il faut prendre la voiture pour se ravitailler. Peu de visites. Le bonheur et la joie de peindre. L’œuvre. Le silence nécessaire à l’œuvre. La mer éblouissante.

8
Ce sera la vie américaine
    En Amérique, à New York, pour les artistes, les peintres, dans les années 1920, la question principale, la querelle majeure n’est pas celle du cubisme et de ce qui s’y oppose, de l’abstraction et de la figuration, de la « modernité » ; elle ne l’est pas encore ; mais l’« américanité ». Il y a d’un côté ceux qui veulent donner à l’Amérique une école de peinture qui lui soit propre, marquée par le réalisme et la représentation de la vie américaine, de « la scène américaine », The American Scene Painting  ; un réalisme social, critique, sensible à la détresse des petites gens, des pauvres ; de l’autre, ceux pour qui cette orientation n’est qu’étroitesse d’esprit : « régionalisme », « provincialisme ». La position de Hopper est simple : pourquoi vouloir « faire américain », « faire l’Américain », puisqu’on est américain, puisqu’il est américain, naturellement. Les peintres français, anglais, ont-ils jamais eu l’idée ou l’ambition de peindre la « scène française », la « scène anglaise » ? Celui qui nous apparaît comme le plus significatif des « peintres américains », le témoin de la vie américaine, n’aura d’autre volonté que de suivre sa propre voie, de l’inventer. À son corps défendant, on le salue comme l’un des meilleurs représentants, le meilleur, de « la Scène américaine ».

    Hopper n’est pas d’esprit grégaire. Il n’est pas l’homme des doctrines et des manifestes, des théories. S’il parle de tel de ses tableaux, quand on l’interroge, c’est presque toujours pour n’en presque rien dire ; des évidences, des banalités ; décourageant l’interlocuteur. Toujours lointain, renfermé, clos. De même se tient-il étranger à la chose politique. Il ne s’agit que de peindre, de travailler.
    Vers 1950, un certain nombre d’artistes commencent à être excédés par le déferlement de « l’avant-garde  » aux États-Unis. Ils ne supportent plus la faveur dont jouissent les « modernes » auprès des critiques et des conservateurs de musée. Ils se regroupent et fondent en 1953 une revue, Reality – « A Journal of Artist’s Opinions ». Hopper est des leurs. Et il signera la pétition qui défend un critique attaqué par les « modernistes ». Dans le premier numéro de Reality , on lit cette déclaration : « Nous pensons que la matière, la forme, la couleur, le dessin, et tout ce qui constitue la peinture, ne sont que les moyens d’une fin plus haute : décrire l’homme et le monde où il vit. » Profession de foi si proche de ce que pense Hopper qu’on peut croire qu’il en est l’auteur.
    Joséphine partageait l’hostilité d’Edward à l’égard de Picasso (mises à part l’époque bleue et l’époque rose). Elle n’était pas fermée à l’abstraction, elle en était même curieuse, peut-être s’y serait-elle essayée. Elle suivit Hopper dans son rejet de l’art abstrait. Comment aurait-il supporté une aquarelle abstraite, une toile abstraite, chez lui, à l’endroit que s’était ménagé sa femme pour en faire son atelier ?
    Tout peintre,

Weitere Kostenlose Bücher