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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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auparavant. À ces côtés, Jean de Ganay qui gardait encore en travers de la gorge l’accueil que le pape leur avait réservé quelques semaines plus tôt, s’avança à son tour pour réclamer au nom de la coutume qu’on leur accorde trois faveurs. Celles justement que le pape s’entêtait à refuser. Alexandre VI prit un air de commisération profonde, dodelina de la mitre, épousseta d’une main ferme un grain invisible sur sa chape écarlate et consentit enfin, d’une voix un rien cynique, à la première : confirmer au roi et à sa famille tous ses privilèges chrétiens. Pour ce qui était de l’investiture de Naples et de la caution de Djem, c’était une autre affaire. Il lui était impossible, cette fois, de leur offrir la diligence d’une cérémonie cardinalice, leur servit-il, l’air navré. Il lui fallait en référer à son conseil. Autant dire, jamais. Charles ravala sa colère et son orgueil. Malgré son envie, il ne pouvait tourner les talons et repartir en claquant la porte. La salle était pleine des familiers du pape, réjouis d’avance, et des siens, dont Julien della Rovere, crispés, qui attendaient son serment.
    Il grommela, le débit rapide pour s’en débarrasser :
    « Je suis ici pour faire obédience et révérence à Votre Sainteté ainsi que l’ont fait tous les rois de France. »
    Ce n’était pas là, exactement, ce qu’Alexandre VI attendait. Il mit sa main en cornet contre son oreille, feignit d’avoir mal entendu.
    — Plaît-il ?
    Quelques ricanements étouffés passèrent dans l’assistance. Le roi la fouilla d’un regard ulcéré, ramenant aussitôt un silence de circonstance. Tout en lui pourtant refusait de reformuler son discours. Jean de Ganay n’en avait pas plus envie. Pourtant, il s’éclaircit la voix d’un raclement de gorge.
    — Sa Majesté Charles, le huitième, en ce jour du dix-neuf janvier de l’an de grâce 1494, vous reconnaît, vous Rodrigo Borgia, pour le souverain pontife des chrétiens sous le nom d’Alexandre VI. Il vous tient pour le véritable vicaire du Christ et le successeur des apôtres Pierre et Paul. À ce titre, il vous rend l’hommage obligatoire et filial que ses prédécesseurs sur le trône de France ont accordé aux papes. Pour finir, il se donne tout entier dans ce qui lui appartient au Saint-Siège et à Votre Sainteté.
    Alexandre VI hocha la tête, bénit son adversaire, vaincu, d’un geste grandiose. Leurs regards s’accrochèrent. Le roi pensa à Djem qu’il devrait rendre s’il voulait libérer les siens. Son cœur se serra.
    À cet instant, il le sut. La partie était jouée. Et ce serait encore l’exilé qui en paierait le prix.

28
     
    Petit Pierre regardait au-dehors lorsqu’il la vit entrer dans la cour. Son cœur s’arrêta de battre. Il frotta la vitre qui, par intermittence, s’embuait autant de son souffle que du froid, puis ses yeux incrédules. Malgré le chapel qui lui retombait sur les oreilles et la distance, il sut que cet inconnu habillé en garçon qui se présentait aux gardes n’était autre que sa mère, déguisée. Un sentiment contradictoire le balaya de bas en haut puis de haut en bas comme une tempête qui ne saurait quel couloir emprunter pour ravager mieux et plus fort. Il l’avait crue morte, elle ne l’était pas. Indifférente à son sort ? Le fait qu’elle soit là tendait à montrer le contraire. Elle n’avait d’autre raison que lui d’être venue narguer Luirieux après ce qu’elle lui avait fait à l’entrejambe. L’envie le prit d’ouvrir la croisée, de lui faire signe. Il se retint. Si le soldat en faction n’avait pas reconnu la brigande, mieux valait ne pas bouger.
    Hugues de Luirieux ne reviendrait pas avant la fin de la soirée, une grande réception étant donnée chez l’officier des monnaies pour marquer la fin des exécutions. Il en serait de même à la nuitée, sur la grand-place, autour du gibet. « C’est un grand jour pour la contrée ! » s’était exclamé le prévôt en froissant la tignasse du garçonnet. Petit Pierre avait haussé les épaules. La gorge nouée, il était muet depuis que la première charrette s’était ébranlée. Il priait en silence. Pour chacun et chacune des gens qui avaient bercé son enfance de leurs rires, de leurs chamailleries, tout en songeant à Briseur et La Malice, à Celma, Bertille et Jean. Tout en espérant que son père n’était pas loin et que ce cauchemar prendrait fin. Et voici que

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