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En ce sang versé

En ce sang versé

Titel: En ce sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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matrone jurée 3 , ni ventrière 4 , insista Jehan Fauvel. J’ai accouché tant de femmes que leurs genitalia ne me sont plus mystère.
    — Je croyais pourtant que les hommes de votre art fuyaient ce genre d’épreuves, rétorqua l’abbesse d’un ton pincé.
    — Si fait, et ils ont grand tort, selon moi, tous ces confrères qui tant souhaitent des fils et préféreraient ignorer d’où ils sortent ! Tous encensent l’enfantement mais détournent les yeux d’un ventre proche de la délivrance. Quant aux doctes clercs médecins qui s’invectivent en latin dans les amphithéâtres de facultés au sujet de la couleur des urines, ils ne déplorent qu’une erreur de la part du Tout-Puissant : que les enfants ne naissent ni dans les choux, ni dans les lys. Ils pourraient ainsi tout à fait se passer des femmes 5 , à la grande satisfaction de certains.
    En dépit du tragique de l’heure, l’abbesse sourit et remarqua :
    — Mire Méchaud, votre précieux ami semble homme selon mon goût et j’espère de tout cœur qu’une jeune donzelle l’a pour père.
    — Si fait, une charmante Héluise de dix-huit printemps, qui me rend bien fier, répondit Jehan Fauvel dont le visage s’illumina de douceur un bref instant.
    Revenant au pénible objet de leur venue, il insista :
    — Votre permission, madame ma mère ?
    Mme de Gausbert tergiversait encore.
    — Elle était vierge, à l’évidence, n’ayant jamais été épouse.
    — Du moins l’était-elle… avant, rectifia le mire de Brévaux.
    Un soupir, puis :
    — Ma permission, messire. Procédez ainsi qu’il vous semble approprié afin de me révéler le moindre détail qui pourrait orienter mon enquête. Henriette n’avait rien d’une capone 6 et aurait souhaité que j’en décide de tel. Bien sûr… – et je m’en veux de cette indélicate précision dans laquelle je vous conjure de ne voir nul dédain, nulle défiance – quoi que vous découvriez, de grâce, tenez-m’en informée. Moi seule.
    — Il va sans dire, madame ma mère, approuva Méchaud.
    — Puis-je insister, avec tout mon respect, afin que l’on recherche la cordelette de chanvre ? termina Jehan Fauvel.
    — Je vais de ce pas prévenir ma fille infirmière et donnerai des ordres afin que nulle ne vous dérange céans au cours de… l’examen.

    Dès après son départ, ils se mirent à la tâche. Un froid mordant régnait dans la salle où l’on n’avait pas allumé de feu, afin de retarder la décomposition des chairs. Méchaud crispait rythmiquement ses doigts gourds, semblant attendre les instructions de Jehan Fauvel. De fait, il déclara :
    — Je crois savoir que vous accumulâtes une remarquable connaissance des œuvres de la mort et de la putréfaction.
    — Oui-da. Après tout, mon bon Méchaud, la mort est le dernier hommage que rendent à la vie les hommes de notre art.
    Jehan Fauvel scrutait chaque détail du visage congestionné de la morte. Il examina avec soin la peau au pourtour des yeux, indiquant de l’index de minuscules hémorragies ponctiformes, murmurant « pétéchies ». Il souleva l’une des mains d’Henriette et vérifia la flexibilité des doigts.
    — La rigor mortis est presque désinstallée, commenta-t-il. Ajoutons à cela le froid vif de la nuit du meurtre qui a dû retarder son apparition.
    — Et qu’en faites-vous ? s’enquit le mire Méchaud.
    — Qu’elle est décédée depuis un peu moins de deux jours, approximativement. Une constatation qui ne nous avance guère, puisque, de fait, son corps fut découvert avant-hier à l’aube. Seule déduction, et encore très prudente, elle a sans doute été étranglée peu d’heures avant. Déshabillons-la, voulez-vous ? proposa-t-il, en argumentant : nous ne pouvons procéder à une autopsie, même partielle 7 , en la circonstance.
    — Une barbarie bien irrévérencieuse, lança Antoine Méchaud, pinçant ses mains glacées sous ses aisselles dans l’espoir de les réchauffer un peu.
    Jehan préféra ne pas commenter. Il éprouvait une réelle estime, mâtinée d’amitié, pour son confrère. Cependant, Méchaud était représentatif de leur art. Peu lui importaient les causes puisqu’il ne les comprenait pas. Il s’efforçait juste de soigner les conséquences. Fauvel se convainquait que lorsqu’enfin la Science serait libérée, l’homme effectuerait des pas de géant. Rien ne lui demeurerait inexplicable et ses peurs les plus terribles s’évanouiraient,

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