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En ce sang versé

En ce sang versé

Titel: En ce sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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Il faudrait être bien insensée pour s’en plaindre. Quant à être cocue, du moins cela me rapportera-t-il quelque chose, contrairement aux autres femmes ! Ne reste donc plus à régler que la tutelle de Guillaume, qui, je vous l’assure, me préoccupe davantage. Il s’agit de notre nom et de notre titre, et le petit baron est de notre sang. En vérité, je vous l’avoue, ma très chère mère, je redoute que le procès de Mahaut traîne en longueur. S’énervant soudain, elle ajouta : Eh quoi ! Il s’agit d’une sorcière enherbeuse, qu’on en finisse ! Il faut d’ores et déjà s’atteler à détruire l’influence pernicieuse qu’elle aurait pu avoir sur Guillaume.
    — Elle se montrait bonne mère, avait rétorqué Béatrice.
    — Je n’en jurerai point. Après tout, que savons-nous au juste de ces femmes, au-delà de leurs charmantes mines et de leur tendresse affectée ?
    — Ces femmes ?
    — Son aînée, Marie de Salvin ? Certes, il semble bien qu’elle ait été troussée par ce faquin qui avoua sous la torture. Mais, ne l’avait-elle point un peu provoqué ? Une œillade ci, un sourire là ? Quelle idée pour une dame d’autoriser un homme, même de connaissance, à nuiter chez elle en l’absence de son époux, ne trouvez-vous pas ? N’avait-elle pas envie de tenter le diable ? De même farine 1 , j’en gagerais.

    Béatrice n’avait presque pas dormi cette nuit-là. Elle s’était imaginée, injuriant son fils d’alliance, le souffletant même, rédigeant une missive à l’évêque afin que la catin soit interdite de communion, ou passant d’étal en étal à Nogent-le-Rotrou afin de mettre en garde toutes femmes contre une voleuse de maris sans vergogne. Cette débauche d’agressivité nocturne l’avait un peu apaisée au matin. Aussi demeura-t-elle composée lorsque Martine frappa pour annoncer Eustache de Malegneux.
    Il avança vers elle et elle ne l’invita pas à s’asseoir. Eustache avait redouté cette entrevue, peut-être la dernière. Sa mère d’alliance l’avait toujours mis mal en aise, un peu apeuré aussi. Il ne lui adressait la parole qu’à regret, pesant chaque mot, au point que son élocution en devenait malhabile et qu’il se cantonnait dans des banalités qui lui valaient le plus souvent un regard de commisération ou d’exaspération. Mais tout cela serait bientôt terminé. Il allait vivre, profiter du bonheur enfin à portée, sans plus devoir se terrer tel un infâme coupable. Au fond, la venue de Martine rue de Ronne lui avait permis de sauter le pas, d’en arriver où il redoutait d’aller depuis tant de mois. Assez de se sentir tel un pourvoyeur de richesse, rien d’autre. Une seule véritable appréhension lui demeurait. Et si Agnès, par vengeance ou dépit de femme, retournait contre lui son fils, l’adorable petit Étienne ? Que nenni, Eustache se sentait prêt à l’affrontement pour le protéger. Dieu du ciel, l’infinie douceur d’Adèle et son amour sans borne avaient réalisé des prodiges. Eustache avait toujours redouté les humeurs d’Agnès, encore plus que celles de Béatrice. Existaient en son épouse une telle inflexibilité et une telle détermination qu’on en avait parfois froid dans le dos. Et pourtant, jamais elle ne haussait le ton, ni ne tapait du pied, au point qu’il avait fallu du temps à Eustache avant de comprendre qu’il avait face à lui un bloc de granit que rien n’émouvait ni ne parviendrait à émousser. Et ne voilà-t-il pas qu’il était prêt à se défendre d’elle avec fougue !
    — Ma mère… je me doute que Martine vous a conté notre… rencontre d’hier. Aussi, ce jour d’hui, épargnons-nous les reproches et les cris…
    — Vous parais-je affectée d’une nervosité de femme ? l’interrompit, glaciale, la baronne. De fait, discutons de… la suite puisque j’ai cru comprendre que l’adultère dans lequel vous vous complaisez n’était ni accidentel, ni temporaire.
    — De juste. Cependant, je n’ai nulle intention d’engager une procédure en annulation et…
    Béatrice de Vigonrin se dressa telle une furie et siffla :
    — Il ferait beau voir, monsieur ! Et à quels motifs, je vous prie ? Au motif d’avoir épousé une femme admirable, qui jamais ne vous trompa, qui vous donna un fils, peut en produire d’autres ? Au motif que vous vous vautrez dans la couche d’une puterelle, que vous avez installée au vu et su de tous ? Au motif que vous

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