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En ce sang versé

En ce sang versé

Titel: En ce sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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détournez les biens d’une union devant Dieu à son profit ? Ah, quelle est plaisante, celle-là ! Mais brisons là avec les intarissables reproches que je vous pourrais adresser. Venons-en à… l’essentiel.
    — L’argent ! murmura Eustache.
    — Quoi d’autre ? asséna Béatrice, mauvaise. Vous n’espériez tout de même pas avoir été épousé pour votre avantageuse silhouette ou votre viril maintien, ou encore pour un esprit étincelant. Votre beau sang, peut-être ?
    — Oh, fichtre, madame, je ne vous savais pas méchante ! Impérieuse, sans doute, mais point perfide à ce point, remarqua Eustache, redevenu calme après cette détestable salve. Puisque les atténuations ne seront pas de mise, foin 2 des simagrées 3 . Passons sitôt à ce que je connais le mieux, ainsi que vous, semble-t-il : le commerce ! Discutons en honorables, mais pressés négociants. À combien évaluez-vous votre fille ?
    Béatrice serra les lèvres sous l’insulte. En son for intérieur, elle reconnut qu’elle ne l’avait pas volée.
    — Une rente annuelle pour laquelle j’attends votre… généreuse proposition, adaptée au préjudice considérable que subit ma fille ne pouvant se remarier, un engagement non modifiable au sujet de l’héritage d’Étienne, le tout devant notaire.
    Un mince sourire étira les lèvres d’Eustache et, pour la première fois, Béatrice lui trouva l’air moins benêt.
    — Remarier ? Agnès ? Et pourquoi diantre ? Elle se suffit merveilleusement à elle-même. Surtout avec une belle rente. Peu importe. À mon tour de poser des conditions avant d’accepter les vôtres. J’exige de voir souvent mon fils. Toute tentative pour l’écarter de moi rendrait notre accord caduc. Je vous conseille aussi, avec la plus grande fermeté, de vous tenir à l’écart – de toute manière – d’Adèle, de son fils et de nos enfants à venir. Votre confort étant à ce prix, je ne doute pas, madame, que nous sous-entendions tels larrons en foire. Quant au reste, notamment l’avenir de madame Mahaut, peu m’en chaut. Au demeurant, elle ne m’a jamais montré amitié.
    — Que vient faire Mahaut ici ?
    — Peu importe, vous dis-je, si ce n’est qu’Agnès semble bien prompte à l’expédier au chafaud. Rivalité de femmes, peut-être ? Mahaut est fort belle et terriblement séduisante.
    Béatrice, peu désireuse de s’étendre sur sa fille d’alliance incarcérée, lui tendit la main, annonçant :
    — Topons-la et scellons notre accord. Je préviendrai notre notaire. Concernant vos effets céans…
    — J’enverrai au plus preste deux hommes de peine les réunir afin de me les apporter. À Dieu, madame.
    Il jeta un regard circulaire à la vaste pièce, plus guère occupée depuis le décès de François père, et s’étonna d’un ton doux :
    — Étrange… J’ai l’impression d’être entré et sorti de cette demeure sans rien y laisser, pas même un souvenir, hormis mon fils. Fichtre, que de temps perdu à rattraper. À Dieu et portez-vous bien, madame.
    1 - De même sorte, dans le sens de « qui se ressemble s’assemble ».

    2 - Interjection marquant le dédain.

    3 - Sans doute la contraction de la locution « ainsi cela m’agrée ».

XXIV
    Alentours de Saint-Jean-Pierre-Fixte 1 ,
 décembre 1305, au même moment
    I ls ralentirent, parvenus devant la place sur laquelle s’élevait l’église Saint-Jean. Une gamine d’à peine six ou sept ans, traînant derrière elle un petit frère braillard, les renseigna, impressionnée par ces deux cavaliers bien mis, portant épée.
    — L’seigneur Louis gîte dans son manoir du Plessis, messires. D’l’aut’ côté du village, à une jetée d’pierre d’la sortie. L’est point trop affable mais pas d’mauvaise âme, à c’qu’on cause. Bon, y sort point l’nez du gobelet, mais l’est pas méchant homme.
    Ils remercièrent la fillette et avancèrent dans la direction indiquée.
    — Et qu’a commis celui-ci ? s’enquit le sous-bailli.
    Hardouin étouffa un rire et expliqua :
    — D’après les informations portées par Blandine Creusot sur la liste, notre bon Louis aurait pissé au beau milieu de la nef Saint-Jean, ivre mort et incapable de se souvenir qu’il se trouvait en lieu saint. Lorsque le prêtre s’est rué sur lui afin de le pousser au dehors, il aurait rugi, en titubant : « Oh là, vil coquin, me touche pas les aiguillettes 2 où je te navre ! »
    — Pourquoi ai-je

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