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Essais sceptiques

Essais sceptiques

Titel: Essais sceptiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bertrand Russell
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auxquels ils ont un aussi bon droit que lui pour les siens. Malheureusement, l’amour du pouvoir qui est le résultat naturel de l’abnégation puritaine de soi rend les Puritains plus entreprenants que d’autres hommes et fait que ces derniers ne peuvent pas leur résister facilement. Espérons qu’une éducation plus libérale et qu’une connaissance plus étendue de l’humanité affaibliront peu à peu l’ardeur de nos maîtres trop vertueux.

XI
LE BESOIN DE SCEPTICISME EN POLITIQUE (12)
    UNE DES particularités du monde anglo-saxon est l’intérêt immense qu’il porte aux partis politiques et sa foi en eux. Un très grand pourcentage de gens parlant anglais croient réellement que les maux qui les accablent seraient guéris si un certain parti politique était au pouvoir. C’est cela la raison du « balancement de pendule ». Un homme vote pour un parti et reste misérable ; il en conclut que c’est l’autre qui amènerait le règne du millénaire. Quand enfin tous les partis l’ont déçu, il est un vieillard au seuil de la mort ; ses fils ont maintenant la foi de sa jeunesse, et le jeu de bascule continue.
    Je voudrais vous faire comprendre que si nous devons faire quelque bien dans la politique, il faut que nous envisagions le problème politique d’un tout autre biais. Dans une démocratie, un parti qui veut obtenir le pouvoir doit faire un appel auquel réponde la majorité de la nation. Pour des raisons qui apparaîtront au cours de notre exposé, un appel qui aurait un large succès ne peut pas, dans la démocratie actuelle, manquer d’être nuisible. C’est pourquoi, il n’est pas probable que n’importe quel parti politique puisse avoir un programme utile, et si des mesures utiles doivent être réalisées, il faut que ce soit au moyen de quelque autre instrument que le gouvernement des partis. Et un des problèmes les plus pressants de notre époque est de combiner l’existence d’un tel instrument avec celle de la démocratie.
    Il existe actuellement deux espèces très différentes de spécialistes politiques. D’un côté, ce sont les politiciens pratiques de tous partis ; de l’autre, ce sont les experts, principalement des fonctionnaires, mais aussi des économistes, des financiers, des médecins savants, etc. Chacune de ces deux classes a son habileté particulière. L’habileté du politicien consiste à deviner ce qu’on peut faire
croire
aux gens comme leur étant avantageux ; l’habileté de l’expert consiste à calculer ce qui réellement
est
avantageux, à condition que les gens le croient tel. (Cette condition est essentielle, car des mesures qui soulèvent un sérieux mécontentement sont rarement avantageuses, quels que soient leurs mérites.) Le pouvoir du politicien, dans une démocratie, n’est possible que parce qu’il adopte les opinions qui
semblent
justes au citoyen moyen. Il est inutile d’exiger que des politiciens soient suffisamment nobles pour ne défendre que ce qui est considéré comme juste par l’opinion éclairée, car s’ils font ainsi, ils sont balayés pour faire place à d’autres. De plus, l’habileté intuitive dont ils ont besoin pour prévoir l’opinion des autres n’implique aucune habileté à former leur opinion propre, si bien que beaucoup parmi les plus capables (du point de vue de la politique des partis) pourront défendre tout à fait honnêtement des mesures que la majorité considère comme bonnes, mais que des experts savent être mauvaises. C’est pourquoi il ne sert à rien de faire des exhortations morales aux politiciens pour qu’ils soient désintéressés, sauf dans ce sens grossier qu’ils ne devraient pas prendre des pourboires.
    Partout où existe la politique des partis, le politicien ne s’adresse au début qu’à un groupe de la nation, tandis que ses adversaires s’adressent à un groupe opposé. Son succès dépend de la transformation de son groupe en majorité. Une mesure qui serait approuvée par tous les groupes également serait, on peut le présumer, commun à tous les partis, et ne serait donc d’aucune utilité au politicien. Par conséquent, il concentre son attention sur les mesures qui déplaisent au groupe formant le noyau des partisans de son adversaire. De plus, une mesure, si admirable soit-elle, sera inutile pour un politicien à moins qu’il ne soit capable de la défendre par des raisons qui sembleront convaincantes à un citoyen moyen quand elles seront exposées dans

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