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Essais sceptiques

Essais sceptiques

Titel: Essais sceptiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bertrand Russell
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sur cette planète ; pourtant même s’il en était ainsi, tous les deux seraient susceptibles d’être améliorés. Or, cette loi interdit à toute personne qui reconnaît l’évidence de cette proposition d’enseigner dans une école gouvernementale. Ainsi, la loi ne veut que des professeurs hypocrites ou imbéciles.
    Le danger grandissant dont la loi de New York est un exemple résulte de la monopolisation du pouvoir par une organisation, qu’elle soit l’État, un trust ou une fédération de trusts. ^ Pour ce qui est de l’éducation, le pouvoir est entre les mains de l’État qui peut empêcher les jeunes de prendre connaissance de n’importe quelle doctrine qui lui déplaît. Je crois qu’il existe encore des gens qui s’imaginent qu’un État démocratique se distingue à peine du peuple lui-même. Ce n’est pourtant qu’une illusion. L’État est un ensemble de fonctionnaires qui jouissent de revenus confortables tant que le
statu quo
est sauvegardé. La seule modification qu’ils souhaitent au
statu quo
est, sans doute, un accroissement de la bureaucratie et du pouvoir des bureaucrates. Il est donc naturel qu’ils profitent d’une circonstance comme l’agitation de la guerre pour acquérir des pouvoirs inquisitoriaux sur leurs sujets, allant jusqu’au droit de vie et de mort. Quand il s’agit de l’esprit, comme dans le cas de l’éducation, cet état de choses est fatal. Il met un terme à toute possibilité de progrès, de liberté ou d’initiative intellectuelle. Voilà le résultat naturel du fait de laisser tomber toute l’éducation primaire entre les mains d’une seule organisation.
    Dans une certaine mesure on a pu conquérir la tolérance religieuse parce que les gens ont cessé de considérer la religion comme aussi importante qu’on la considérait jadis, mais en matière de politique et d’économique, – lesquelles ont pris la place occupée autrefois par la religion, – il y a une tendance croissante à la persécution, et qui n’est nullement réservée à un seul parti. En Russie, on persécute l’opinion plus sévèrement que dans n’importe quel pays capitaliste. J’ai rencontré à Pétrograd un poète russe éminent, Alexandre Blok, qui est mort par la suite à cause des privations qu’il a endurées. Les Bolchéviks lui ont permis d’enseigner, l’esthétique, mais il se plaignait de ce qu’ils insistaient pour qu’il fit cet enseignement « du point de vue marxiste ». Il était très embarrassé pour trouver une connexion quelconque entre la théorie de la rythmique et le marxisme, bien que, pour éviter de mourir de faim, il ait fait de son mieux pour la découvrir. Il était naturellement impossible en Russie durant des années après la prise du pouvoir parles Bolchéviks de publier une critique quelconque des dogmes sur lesquels leur régime est fondé.
    L’exemple de la Russie et de l’Amérique illustrent la conclusion qui semble s’imposer : notamment que tant que les hommes continueront à croire fanatiquement à l’importance de la politique, la pensée libre en matière politique sera impossible. Et l’absence de liberté s’étendra à d’autres domaines comme cela s’est passé en Russie. Seul un certain degré de scepticisme politique peut nous sauver de ce malheur.

On ne doit pas s’imaginer que les fonctionnaires chargés de l’éducation désirent que la jeunesse soit éduquée. Il s’agit au contraire pour eux d’inculquer des connaissances sans inculquer de l’intelligence. L’éducation devrait avoir deux buts : d’abord de donner des connaissances définies comme l’art de lire et d’écrire, comme la grammaire et les mathématiques, etc. ; puis de créer des habitudes d’esprit qui permettraient aux gens d’acquérir des connaissances et de former par eux-mêmes des jugements sains. Nous appelons le premier de ces buts : connaissance, et l’autre : intelligence. On reconnaît l’utilité des connaissances théoriquement et pratiquement. Un État moderne est impossible sans une population qui sache lire et écrire. Mais on ne reconnaît l’utilité de l’intelligence que théoriquement et non pratiquement : on ne veut pas que des gens ordinaires pensent par eux-mêmes, parce qu’on croit qu’il est difficile de manier des gens qui pensent par eux-mêmes et qui, pour cette raison, peuvent causer des difficultés administratives. Seuls, les gardiens, pour parler comme Platon, doivent penser ;

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