Excalibur
pourquoi
Mordred possédait cet or et je n’aimais pas la réponse à ma question. Il était
là lorsque Arthur avait exposé ses plans de campagne et c’était pour cela que
les Saxons avaient pu nous envahir par surprise. Ils savaient que nous allions
concentrer nos forces sur la Tamise et nous avaient laissé croire que c’était
là qu’ils attaqueraient, pendant que Cerdic rassemblait lentement et
secrètement ses forces dans le sud. Notre roi nous avait trahis. Je ne pouvais
en être certain car deux boutons en or ne constituaient pas une preuve, mais c’était
tristement vraisemblable. Mordred voulait récupérer le pouvoir et même si
Cerdic ne le lui rendait pas dans sa totalité, il se vengerait d’Arthur, ce
dont il mourait d’envie. « Comment les Saxons ont-ils pu communiquer avec
Mordred ? demandai-je.
— C’est
simple, Seigneur. Il y avait constamment des visiteurs. Des marchands, des
bardes, des jongleurs, des filles.
— On
aurait dû lui trancher la gorge, dis-je avec amertume en rangeant les boutons
dans ma poche.
— Pourquoi
ne l’as-tu pas fait ?
— Parce
qu’il est le petit-fils d’Uther et qu’Arthur ne l’aurait pas permis. »
Arthur avait juré de le protéger et ce serment le liait pour la vie. En outre,
Mordred était notre roi légitime, dans ses veines courait le sang de tous nos
souverains, en remontant jusqu’à Beli Mawr lui-même, et bien qu’il fût
corrompu, ce sang était sacré. « Mordred se doit de faire pondre un
héritier à une épouse convenable, mais une fois qu’il nous aura donné un nouveau
roi, il serait bien avisé de porter un collier de fer.
— Pas
étonnant qu’il ne se marie pas, dit Dyrrig. Et qu’arrivera-t-il s’il demeure
célibataire ? Supposons qu’il n’ait pas d’héritier ?
— C’est
une bonne question, mais battons les Saxons avant de nous soucier d’y répondre. »
Je laissai
Dyrrig dissimuler le vieux puits sec avec des broussailles. J’aurais pu revenir
tout droit à Dun Caric car j’avais réglé les problèmes urgents ; Issa
était en route pour conduire Argante à l’abri, Mordred était parti pour le
nord, mais moi j’avais encore un travail à terminer, aussi j’empruntai la Voie
du Fossé qui longeait les grands marécages et les lacs bordant Ynys Wydryn. Les
fauvettes menaient grand tapage parmi les roseaux tandis que les martinets
épineux s’affairaient à picorer de pleines becquées de boue pour construire de
nouveaux nids sous nos avant-toits. Les coucous lançaient leur appel, perchés
dans les saules et les bouleaux qui bordaient les marais. Le soleil brillait
sur la Dumnonie, les chênes portaient leur nouvelle livrée verte et les prés, à
ma gauche, brillaient de primevères et de pâquerettes. Je ne chevauchai pas
vite et laissai ma jument aller à l’amble ; à quelques lieues au nord de
Lindinis, je m’engageai sur la levée de terre qui menait à Ynys Wydryn. Jusqu’à
maintenant, j’avais servi les intérêts d’Arthur en assurant la sécurité d’Argante
et celle de Mordred, mais maintenant, j’allais risquer son déplaisir. Ou peut-être
faisais-je ce qu’il avait toujours désiré que je fasse.
Je me rendis
au sanctuaire de la Sainte-Épine, où je trouvai Morgane se préparant à partir.
Elle n’avait pas reçu de nouvelles précises, mais la rumeur avait fait son œuvre
et elle savait qu’Ynys Wydryn était menacé. Je lui dis le peu que je savais, et
elle me regarda d’un air interrogateur derrière son masque doré. « Où est
mon époux ? demanda-t-elle d’un ton perçant.
— Je l’ignore,
Dame. » Autant que je le savais, Sansum était toujours prisonnier chez
Emrys, à Durnovarie.
« Tu l’ignores
et tu t’en moques, fit-elle d’un ton brusque.
— En
vérité, Dame, je ne le sais pas. Mais je suppose qu’il va fuir vers le nord,
comme tout le monde.
— Alors,
dis-lui que nous sommes partis en Silurie. A Isca. » Morgane,
naturellement, s’était préparée à cette crise. Prévoyant l’invasion saxonne,
elle avait emballé les trésors du sanctuaire, des bateliers étaient prêts à les
transporter sur le lac, ainsi que les chrétiennes, bien sûr, jusqu’à la côte où
d’autres bateaux attendaient pour leur faire franchir la mer de Severn jusqu’en
Silurie. « Et dis à Arthur que je prie pour lui, ajouta Morgane, même s’il
ne mérite par mes prières. Dis-lui aussi que sa putain est en sécurité
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