Fatima
vite.
Le joyau dont parlait Muhammad, c’était Moç’ab ibn Omayr. Abu Bakr applaudit.
— Bien sûr ! Bien sûr, voilà la solution !
Tamîn alla écouter Moç’ab ibn Omayr à la Ka’bâ. Il revint subjugué.
— Qu’il aille à Yatrib ! s’exclama-t-il avec joie. Leur coeur s’ouvrira devant lui, je le sais. Il n’y a de Dieu que Dieu, et il est tout entier dans la bouche de Moç’ab !
Le lendemain, pour la première fois, Moç’ab ibn Omayr franchit la porte de la maison d’Al Arqam. Lorsque Muhammad lui eut déclaré ce qu’il attendait de lui, Moç’ab se prosterna en le remerciant mille fois.
— C’est ma récompense ! s’écria-t-il sans hésiter. J’en serai digne. Mon chameau est rassasié depuis longtemps, Messager. Ma selle ne prend qu’un instant à poser. Demain, je serai sur la route.
— Sois prudent, Moç’ab. Tu vois comment il en va ici, dans Mekka. Quand on fait retentir la parole d’Allah, les mauvais coups sont vite donnés, et les hypocrites ne manquent pas. À Yatrib, ce que valent Juifs et non juifs, tu ne le sauras qu’en étant seul et sans protection. Tu peux en mourir.
— Que dois-je craindre, Messager ? s’amusa Moç’ab. N’est-il pas dit : « Ne va pas dans le doute ; ce que les autres adorent et servent leur vient de leurs pères. Nous leur en compterons leur part exacte, ni plus ni moins [18] . »
Une fois encore, Muhammad et ses compagnons furent ravis de Moç’ab.
Qui pourrait résister à la beauté et à la douceur de la récitation des paroles d’Allah par Moç’ab ?
Qui mieux que lui pouvait plaider leur cause à Yatrib ?
Ambassade à Axoum
Ils furent une trentaine à prendre la route d’Axoum avec ‘Othmân et Ruqalya. Pour plus de sécurité, leur caravane se mêla à d’autres qui allaient à Djedda commercer avec les marchands d’Afrique. La cour d’Al Arqam s’en trouva soudain très calme.
Trois ou quatre jours plus tard, Abu Bakr, qui surveillait toujours de près l’humeur des puissants, se montra satisfait.
— Bien sûr, le départ de ‘Othmân, de sa nouvelle épouse, de sa belle-soeur, de sa troupe de croyants et de serviteurs, n’est pas passé inaperçu, assura-t-il. Nos ennemis savent. Ils savent, mais ils ne disent rien. Pour les Omayya, ‘Othmân était déjà un fils perdu. Son départ leur convient. S’il était resté dans Mekka, ils auraient dû l’affronter. Le renier devant la mâla ou passer pour des faibles. Le départ de ‘Othmân leur ôte ce poids. Quant à ceux qui l’accompagnent chez l’Abyssin, ils n’étaient que les plus faibles de nos compagnons. Ceux qu’aucun clan ne protège et dont personne ne réclamera le prix du sang s’ils venaient à être tués. Seul Yâkût regrette leur départ. C’est sur eux qu’il prenait plaisir à exercer sa cruauté. Mieux vaut prendre garde à lui.
Aubes et crépuscules, en apparence rien ne changea. Cependant, Fatima demeurait sur ses gardes, hantée par l’enseignement d’Abdonaï : « Quand tout se veut tranquille, tout ment. Dans la paix, tu dois avoir cent yeux. » Certes, les gens de Mekka s’étaient accoutumés à leurs allées et venues dans la cité. Mais cela ne signifiait pas que tout allait en harmonie…
Les voisins d’Al Arqam s’amusaient à frapper sur des tambours quand sa maisonnée se recueillait pour la prière, ou, chauffés par les dévots d’Al’lat et d’Hobal, ils se livraient à des concours d’obscénités. De temps à autre, certains en vinrent à jeter leurs détritus par-dessus le mur de la cour. Dans les jours précédant la petite fête de printemps d’Al’lat, ce fut toute une barrique d’utérus de brebis qu’ils déversèrent devant la porte, interdisant l’entrée ou la sortie de la maison jusqu’à ce que le sol soit purifié.
À la Ka’bâ, l’absence de Moç’ab ibn Omayr fut remarquée, puis oubliée. Avec les longues et sèches journées de printemps, les pèlerins se pressaient de plus en plus nombreux pour faire leurs offrandes et leurs demandes à leurs idoles. Le soir, après avoir tourné autour de la Pierre Noire, ils s’approchaient de Muhammad pour l’apostropher et se moquer de lui. Le Messager était devenu une attraction. Un homme ayant à demi perdu la raison à qui ils réclamaient en riant des tours de magie.
— Un prophète sans magie, cela n’existe pas ! s’exclamaient-ils. Allez, allez ! Montre-nous ce que tu sais faire, ibn
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