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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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manquer à la charité je dois préciser que depuis des mois son état de santé se dégrade sans cesse. Le médecin évoque de plus en plus souvent l'à-propos d'un placement dans une maison... spécialisée.
    L'hésitation sur le dernier mot laissait craindre la pire éventualité. La religieuse demeura un moment songeuse, comme si elle repassait dans son esprit certains passages des lettres des derniers mois.
    —    La vie religieuse continue d'exercer le même attrait sur vous?
    —    Si ce n'était pas le cas, je ne serais pas ici. Mes sentiments à ce sujet n'ont pas changé.
    —    Vous portez si bien vos nouveaux vêtements. Ici, vous n'aurez rien de tout cela. Vous êtes prête à y renoncer?
    —    Comme j'ai vécu dans ces murs quelques années, je sais très bien à quoi ressemble la vie religieuse. Comme convenu, pourrai-je revenir en mai ?
    D'une certaine façon, la mère supérieure se trouvait prise à son propre jeu. Un an plus tôt, la vocation de la couventine lui paraissait tenir à son opportunisme, au désir de trouver un havre de paix plutôt que d'affronter un monde qu'elle ne connaissait pas. Maintenant, à moins de prêter foi à des accusations d'accrocs à la chasteté, formulés de façon allusive dans les lettres d'Alice Picard, ces motifs ne tenaient plus.
    —    Vous pourrez revenir ici au terme de votre séjour dans cette famille. Evidemment, le curé de la paroisse Saint-Roch sera en mesure de produire une lettre de recommandation pour vous.
    —    Évidemment.
    La jeune femme ne broncha pas. Peut-être ses confessions des dernières semaines ne pèseraient-elles pas trop lourd dans la balance.
    —    Au plaisir de vous revoir bientôt, mademoiselle Trudel.
    — Au revoir.
    Elisabeth quitta sa chaise, sortit en refermant doucement la porte derrière elle. Un moment elle demeura immobile, comme pour reprendre son souffle. Puis elle entreprit de parcourir les interminables corridors jusqu'à la sortie. Sur la rue Donaconna, la jeune femme se retourna pour contempler la lourde porte de chêne, les murs infranchissables.
    Cela valait-il mieux que de commencer tout de suite à écrire à diverses commissions scolaires ?
    —    Tu es venu seul ? demanda Thomas quand Alfred pénétra dans la maison de la rue Saint-François.
    —    Crois-tu vraiment que Marie acceptera un jour une invitation à souper de son adorable beau-frère ?
    —    Non, bien sûr que non. Excuse-moi, je dois devenir fou, moi aussi.
    Cet indice sur la santé mentale devait permettre au chef de rayon de deviner le motif de sa présence dans la maison.
    La veille, son frère était venu lui demander de se joindre à lui pour le souper, pour un «conseil de famille». Cela donnerait un conseil bien restreint, puisqu'ils demeuraient les deux seuls survivants de la lignée. Bien sûr, Edouard et Eugénie ne se qualifiaient pas encore pour une discussion sérieuse.
    Peu après, Alfred entra dans le salon, échangea quelques mots avec les enfants, présenta ses respects à la préceptrice, puis tous passèrent à table. Tout le repas s'écoula avant que l'hôte n'abordât le sujet. Finalement, les deux hommes se retirèrent dans la bibliothèque afin de pouvoir converser en tête-à-tête.
    —    Assieds-toi devant mon bureau, je nous verse un cognac et je te rejoins.
    —    Cet endroit fait moins «famille» que travail.
    Tout de même, il prit la chaise qu'on lui avait indiquée. Thomas posa un verre devant lui, puis regagna son siège habituel avant d'en venir à la question qui le préoccupait.
    —    Alice ne va vraiment pas bien. Elle reste parfois au lit
    toute la journée, se nourrit à peine.
    —    Je suppose que le docteur Couture continue de la voir.
    —    Un mardi sur deux. Cette semaine, il a constaté que les choses se détérioraient, mais n'a rien proposé pour les améliorer. Je pense de plus en plus à faire appel à un alié-niste.
    Devant l'étonnement d'Alfred, il jugea bon de raconter avec force détails le petit complot au sujet de la broche volée. À sa grande surprise, son interlocuteur partit d'un grand rire, avant de déclarer:
    —    Mon Dieu! Ton existence est passionnante. Cette petite mise en scène ne signifie pas qu'elle soit folle, bien au contraire. Sa rivale vit sous son toit, ce que même nos concitoyens les plus tolérants sur les faiblesses de la chair trouveraient plutôt inadmissible. Dans son état physique, enfin,

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