Faux frère
survécu !
Corbett contempla la moutarde, le persil, la sauge, l’ail, le fenouil, l’hysope et la bourrache qu’elle avait plantés l’année précédente.
— Vous voyez ! s’exclama-t-elle d’un ton triomphal, elles ont bien poussé !
La chaleur et le travail avaient donné des couleurs à son beau visage.
— Si tout va bien, à la Saint-Michel, nous aurons autre chose que du sel pour assaisonner nos viandes.
Elle plissa les paupières :
— Vous avez l’air fatigué, Hugh !
Elle retira ses épais gants de laine et tendit une petite truelle à Anna, qui l’aidait à désherber les plates-bandes de jeunes simples.
— Venez !
Elle s’essuya le front d’un revers de main.
— J’ai envie de bonne bière fraîche. Anna et moi avons préparé le souper.
Après s’être désaltéré et avoir fait un brin de toilette, Corbett se sentit revigoré mais le repas fut assez tumultueux. Le jeune Ranulf ne cessa de vociférer et la petite Aliénor, censée dormir dans son berceau, s’étrangla de rire devant ses pitreries, avant de réclamer à cor et à cri sa nourriture, des morceaux de pain de sucre trempés dans du lait. Toute conversation était impossible car Ranulf avait repris du poil de la bête – un peu trop vite, songea Corbett, soupçonneux – et tint absolument à raconter les derniers avatars de Maltote avec son poignard. Le repas s’acheva enfin et Corbett enjoignit sèchement à Maeve et à Ranulf de le rejoindre dans la salle haute.
— Tu as passé une bonne journée, Ranulf ? demanda-t-il avec l’air de ne pas y toucher en refermant la porte derrière lui.
— Oui, oui !
Le clerc embrassa la pièce du regard. Maeve le dévisagea, l’air intrigué, comme si elle ne parvenait pas à comprendre la raison de son irritation et de sa mauvaise humeur.
— je suis désolé, marmonna-t-il. Mais cette affaire semble ne présenter guère de solutions. Le tueur pourrait être n’importe qui. Tout ce dont je suis sûr, c’est qu’il porte une coule et un capuchon.
— Cela pourrait être un moine, alors ? intervint Ranulf.
— Pour l'amour de Dieu, Ranulf ! rétorqua Corbett. Tous les hommes, dans cette ville, possèdent coule et capuchon !
Il s’installa sur un tabouret :
— Qu’as-tu fabriqué ?
Ranulf eut un sourire radieux. Corbett gémit in petto.
— J’ai fait preuve d’initiative, Messire. Vous vous souvenez que Lady Fitzwarren nous a dit que nous serions les bienvenus si nous voulions voir leur travail. Eh bien, j’ai rendu une visite de courtoisie à Lady Mary Neville !
Maeve dissimula un sourire derrière sa main. Corbett fixa le plancher.
— La journée n’est pas finie, mon maître ! Lady Fitzwarren vous invite à la rejoindre à l’hôpital Ste Catherine près de la Tour. Qui sait, poursuivit Ranulf aux anges, nous pourrions en découvrir plus.
Corbett se cacha le visage dans les mains.
CHAPITRE VIII
Mais Corbett releva la tête et jeta à Ranulf un coup d’oeil courroucé.
— Je n’ai nulle envie de courir dans toute la ville au beau milieu de la nuit ! rugit-il.
Sa colère redoubla à la vue de Maeve qui tentait de réprimer ses éclats de rire en pouffant derrière sa manche.
— Mais, maître, j’ai cru bien faire ! Il faut que nous interrogions ces deux dames, notamment Lady Neville. Elle est la dernière à avoir vu Lady Somerville vivante, après tout.
Corbett érafla le tapis de la pointe de sa botte. D’en bas montaient les cris de joie du fils de Ranulf et les hurlements d’Aliénor. Son regard furieux s’attarda sur Ranulf, puis sur Maeve. Peut-être vaudrait-il mieux y aller, songea-t-il. La maison était sens dessus dessous. Maeve ne pensait qu’à l’arrivée imminente de son oncle et les deux enfants s’égosillaient à qui mieux mieux. Il n’aurait pas la paix chez lui et par ailleurs il lui fallait s’occuper d’affaires pressantes.
— C’est bon ! concéda-t-il. Mais envoie Maltote en éclaireur. Avant de rendre visite aux Dames de sainte Marthe, je veux voir William Senche, frère Adam of Warfield et son corpulent ami, le frère Richard. Dis à ces augustes personnages de Westminster que je leur donne rendez-vous à la taverne des Trois Grues, dans le quartier de Vintry. Ils soulèveront des objections, ils trouveront des excuses, ils te débiteront la liste de toutes les tâches qui les attendent ; il se peut même qu’ils soient pris de boisson ! Dis-leur que peu m’en
Weitere Kostenlose Bücher