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Faux frère

Faux frère

Titel: Faux frère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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Fitzwarren ?
    — Quoi, par exemple ?
    — Eh bien, vous vous réunissez dans la salle capitulaire de Westminster. Avez-vous noté quelque chose de bizarre dans l’abbaye ou au palais ?
    — Il n’y a plus grand monde, intervint Lady Neville. Le vieil abbé est souffrant et ils n’ont pas de prieur. Notre souverain devrait vraiment regagner Westminster !
    Lady Fitzwarren lui lança un regard sévère avant de s’adresser à nouveau au clerc.
    — Sir Hugh, il faut que vous sachiez ceci !
    Elle baissa la voix car Lady de Lacey s’engouffrait dans l’église à cet instant avec l’énergie d’une bourrasque hivernale.
    — Il y a plus d’un an, juste après le début de ces horribles meurtres, une rumeur est parvenue aux oreilles de Lady Mary, ici présente, un bruit qui courait parmi les filles des rues et les courtisanes : certaines d’entre elles auraient été amenées à l’abbaye, ou plutôt au palais, pour des agapes qui auraient duré toute la nuit.
    Elle haussa les épaules.
    — Vous savez ce que c’est, Sir Hugh. Cela n’arrive que trop souvent. Les palais royaux se vident régulièrement de leurs occupants, surtout en temps de guerre. Intendants et officiers sombrent dans l’oisiveté et décident de faire bombance aux frais de leur maître.
    Elle eut un sourire crispé.
    — Même le Christ en a parlé dans ses paraboles, je crois.
    Elle regarda par-dessus son épaule et fit un petit signe de la main à Lady de Lacey qui l’appelait d’une voix de stentor.
    — C’est tout ce que je sais, Sir Hugh. Mais dites-moi, avez-vous une idée de l’auteur de ces crimes abominables ?
    — Non, Madame, mais j’espère en empêcher d’autres.
    — En ce cas, je vous souhaite de réussir.
    — Oh, Lady Fitzwarren !
    — Oui ?
    — Lady Neville ou vous-même sauriez-vous quelque chose sur l’envoyé français, Amaury de Craon ? Ou sur un nommé Richard Puddlicott ?
    Les deux femmes hochèrent négativement la tête.
    — Le nom de De Craon ne me dit rien, répondit immédiatement Lady Fitzwarren. Par contre, je connais celui de Puddlicott. C’est un scélérat, un escroc. Certaines des filles en parlent avec autant de crainte et de respect que du roi.
    Corbett opina et regarda s’éloigner les deux femmes. Il s’assit sur un banc et observa son serviteur, qui semblait être aveugle et sourd à tout ce qui n’était pas Lady Mary Neville. Il cligna des yeux et détourna le regard. Il avait connu Ranulf ivre, en colère, triste, lubrique, larmoyant, mais jamais amoureux et il avait du mal à croire qu’il pût être aussi épris. Il se concentra, en soupirant, sur ce qu’il venait d’apprendre. Tout tendait à montrer qu’il y avait anguille sous roche à Westminster. Lady Fitzwarren avait raison : il n’était pas rare que des officiers, responsables de palais royaux vides, passent leur temps à mener joyeuse vie – un jour, en tant que sénéchal de la maison royale, Corbett en avait traîné certains en justice  –, mais ces bacchanales étaient-elles la clé de ces atroces assassinats ? Les moines de Westminster se seraient-ils laissé entraîner dans des festivités nocturnes ? S’était-il produit une anicroche et les crimes avaient-ils pour but de réduire au silence des langues trop bien pendues et de couper court à toute rumeur de scandale ?
    La porte de l’église s’ouvrit lentement. Corbett, stupéfait, vit deux vieilles femmes entrer d’un pas hésitant. Leurs corps décharnés étaient couverts de guenilles et elles avaient le cheveu rare et ébouriffé. On aurait dit des sorcières jumelles avec leur nez crochu, leurs yeux chassieux et leur bouche entrouverte d’où coulait un filet de salive. Caquetant et gloussant comme des demeurées, elles se traînèrent vers les tables. Là, elles s’emparèrent de bouchées de pain et lampèrent bruyamment le vin qui restait dans les gobelets d’étain. Elles dégageaient une telle puanteur que Ranulf fut tiré de sa rêverie.
    — Seigneur Dieu ! maugréa-t-il. Point n’est besoin d’être mort, mon maître, pour avoir une vision de l’enfer !
    Lady de Lacey remarqua leur dégoût et les rejoignit à grands pas.
    — Messire Corbett, quel âge leur donnez-vous ?
    — Ce sont de vieilles femmes !
    — Détrompez-vous ! Elles n’ont pas encore atteint leur trente-cinquième année. Vous voyez là des prostituées vieillies avant l’âge, les victimes méprisées de la luxure des

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