FBI
pour se débarrasser de lui. Sans doute est-ce pour cela que Hoover ne prend pas de sanctions contre Sullivan.
L’assassinat de Martin Luther King
Le 4 avril 1968, Cartha DeLoach est chez lui au milieu du tohu-bohu familial. Sa femme Barbara est sur le point de partir pour une réunion paroissiale. La petite Teresa est au lit avec une forte fièvre. Les six autres enfants ont faim et il n’y a pas de dîner en vue. Cartha DeLoach s’apprête à faire décongeler des steaks hachés sous l’eau chaude, quand le téléphone sonne. Un appel du SAC de Memphis, Tennessee. À 7 heures du soir, heure locale, Martin Luther King a été grièvement blessé alors qu’il sortait avec des amis de sa chambre du Motel Lorraine. La balle est entrée dans sa joue droite, près de la commissure des lèvres, et a fracassé la colonne vertébrale en ressortant.
Cartha DeLoach est effondré. Depuis quelque temps, la guerre secrète entre le FBI et le révérend a redoublé d’intensité. Le directeur du FBI et le président Johnson n’ont pas du tout apprécié les prises de position du leader noir contre la guerre du Vietnam, encore moins le virage qu’il a amorcé en direction de la « Nouvelle Gauche », qui conteste le « rêve américain » jusque dans ses fondements. Martin Luther King a même envisagé de se présenter à l’élection présidentielle en compagnie du docteur Benjamin Spock. Mais l’étoile de Martin Luther King pâlissait. Cartha DeLoach n’aurait jamais cru qu’un « imbécile » pourrait tirer sur le révérend. Hagard au milieu de sa cuisine, il voit déjà les ghettos noirs des grandes villes à feu et à sang. Il n’a pas tort. Il lui appartient de prévenir le Directeur.
On retiendra de cet appel le mépris de Hoover pour son nouveau Procureur général, Ramsey Clark, exclusivement désigné sous le sobriquet « BullFly » (taon) – ce qui serait, à en croire Cartha DeLoach, l’équivalent du « tigre de papier » chinois. « Hoover traitait Clark comme un petit enfant, rapporte DeLoach, c’est-à-dire comme quelqu’un qui ne mérite ni d’être vu ni d’être entendu. En conséquence, c’est moi qui m’occupais de communiquer avec Clark. »
À l’annonce de la nouvelle, Hoover ordonne à DeLoach de se tenir à l’écart de l’enquête : « C’est une affaire locale, lui dit-il, n’acceptez pas que le Bureau y soit mêlé. »
Cartha DeLoach étant aussi chargé des rapports avec la Maison-Blanche, c’est à lui qu’il incombe de prévenir le président Johnson. Il monte au premier étage de sa demeure, entre dans sa chambre à coucher et décroche le téléphone relié directement à la Maison-Blanche. La ligne a été installée à la demande d’un Président excédé de ne pouvoir joindre le numéro trois du FBI à son domicile pour cause de logorrhée téléphonique des sept enfants DeLoach ! À l’autre bout du fil, ce n’est pas le Président qui décroche, mais le Procureur général, Ramsey Clark. Les instructions de Clark sont claires : le Bureau doit s’occuper de l’affaire. « J’étais trop malin pour protester, explique DeLoach ; j’ai rappelé Hoover. Le Directeur a grommelé : “OK, allez-y, mais c’est vous qui êtes responsable !” »
Cinq minutes plus tard, Cartha DeLoach apprend la mort de Martin Luther King.
Le coup de feu mortel est parti d’une chambre louée par un certain John Willard, alias Eric Galt, alias Harwey Lowmeyer. La chasse à l’homme commence. Les agents du FBI d’une dizaine d’États sont sur le pied de guerre. Cinq cents agents, soit près du dixième des effectifs du FBI, sont affectés à l’affaire. Parmi eux, James Ingram, un des héros de Mississippi Burning . La piste de l’assassin mène justement au Mississippi.
« C’était notre priorité, raconte James Ingram. Le Président en avait fait une priorité. Et le Directeur a suivi ses instructions à la lettre. Tous nos bureaux étaient mobilisés. » Cartha DeLoach approuve : « Dans un cas comme celui-là, l’argent ne compte pas. On savait qu’on devait résoudre l’affaire, sinon le public, la presse et, plus important pour nous, J. Edgar Hoover auraient été pour toujours sur notre dos. On a mis d’autres dossiers en attente. Nos priorités ont été bouleversées. Hoover nous demandait des rapports d’étape tous les matins à 9 heures, ce qui ne l’empêchait pas de nous appeler ensuite plusieurs fois par
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