FBI

presque le connaît sous son nom de guerre, qui est aussi le titre du film : Donnie Brasco , avec pour vedettes Al Pacino et Johnny Depp (qui joue le rôle de Joe Pistone).
    Joe Pistone doit beaucoup à ce film, le FBI aussi. Son succès a rendu populaires les techniques de lutte anti-Mafia. Comme à chaque film à succès, le Bureau a vu affluer les candidatures d’aspirants infiltrés. Il ferme donc les yeux sur les imprécisions dictées par une logique propre à la fiction. « Entre les apparences et la réalité, dit John Miller, porte-parole du FBI de l’après-11 Septembre, Hollywood choisira toujours les apparences. »
    Joe Pistone sait que le contrat lancé par Cosa Nostra pour l’éliminer vaut toujours. Alors il voyage sous des identités d’emprunt, possède des comptes en banque au nom de ses pseudonymes, et passe sa vie dans les avions. On l’a vu à l’école du FBI de Quantico expliquer à de jeunes élèves les règles de survie en milieu hostile ; on le signale à l’Académie inaugurée par le FBI en Hongrie, intervenant sur les opérations d’infiltration, ou encore à Rome, où il rencontre un autre paria placé en marge de la société pour avoir dit la vérité sur la criminalité organisée, le journaliste Roberto Saviano, condamné à mort par le clan napolitain des Casalesi, après avoir écrit en 2006 le best-seller Gomorra .
    Aujourd’hui, Joe Pistone parle d’un FBI qui n’est plus le sien : « Mon FBI était une organisation familiale. Les agents s’occupaient les uns des autres. Ils s’entraidaient. C’était une organisation très serrée, solidaire. Pour nous, être agent, ce n’était pas un travail. Quand vous entriez au FBI, vous n’en sortiez que vingt ans plus tard. » S’il en avait été autrement, Pistone n’aurait jamais pu faire ce qu’il a fait.
    Quand Neil Welch prend les rênes du NYFO, Joe Pistone est déjà engagé dans une opération d’infiltration. Cette opération vise les petits voyous qui frappent aux portes des parrains dans l’espoir d’être un jour intronisés hommes d’honneur. Les exploits de la bande de malfrats infiltrée par Pistone ont inspiré à Martin Scorsese l’un de ses meilleurs films, Les Affranchis .
    Welch au contrôle, Pistone disparaît des bureaux du NYFO. Son nom est effacé de la liste des agents du FBI, son dossier administratif est enfermé dans le coffre-fort du SAC. Il n’a plus de bulletin de paie et, chaque mois, le FBI lui verse son salaire grâce à un système de blanchiment qui n’a rien à envier à ceux employés par la Mafia. Désormais, Pistone n’a d’autres liens avec le FBI que ses rencontres avec les « agents traitants » chargés de le débriefer, de le suivre, de lui fournir ce dont il a besoin ; un autre objectif de ces contacts réguliers est d’éviter que l’infiltré n’oublie l’objet de sa mission et ne passe de l’autre côté de la barrière en s’identifiant à ses proies…
    Si Joe Pistone avait été un acteur, il aurait été de l’école de Lee Strasberg. Sans le vouloir, il a parfaitement intégré les règles de jeu de l’Actors Studio. Il vit son rôle. Il n’est plus Joe Pistone, mais Donnie Brasco. Il en oublie sa famille et ne voit ses enfants que tous les six mois. Désormais, il vit, pense, respire comme un voleur de bijoux, puisque telle est sa couverture. Il ne voulait pas d’une profession violente : pas besoin d’être mafieux pour comprendre qu’un cambrioleur n’a pas les mêmes réflexes professionnels qu’un tueur. Son superviseur, Guy Barreda, l’envoie se familiariser avec les diamants chez un bijoutier ami. Un stage chez un des serruriers du FBI, et l’agent n’ignore plus rien des serrures et des systèmes d’alarme. Le voilà prêt à plonger « pour de vrai » dans la clandestinité.
    Joe Pistone possède un atout dont disposent peu d’agents du FBI : le monde de la rue n’a pas de secrets pour lui. Dans un milieu aussi fermé que le quartier italien de New York, il sait vivre, se déplacer. Il voit des choses invisibles aux yeux de la plupart des gens ; d’origine italienne, il a grandi à Brooklyn au milieu des « hommes d’honneur » et des « affranchis ».
    Cette opération d’infiltration n’est pas la première de Joe Pistone. Avant d’arriver à New York, il a déjà infiltré des réseaux de voleurs de voitures de luxe et d’avions en Floride. Le superviseur Guy Barreda a pensé à lui parce qu’il