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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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catégories – une originalité dans sa pensée binaire (le bien et le mal, les amis et les traîtres, les révolutionnaires et les opposants). Il y a d’une part le « mercenaire », le « malhonnête », et celui-là « sait où il doit aller ». Il y a, à l’autre extrémité du spectre, les « révolutionnaires ». Ceux-ci ne sauraient se poser de problèmes, car la Révolution « par essence, ne peut être ennemie des libertés ». Mais certes, poursuit Fidel, « nul n’a jamais pensé que tous les hommes ou tous les écrivains doivent être des révolutionnaires ». Pis : « Il est possible que les hommes et les femmes qui ont une attitude vraiment révolutionnaire ne constituent pas la majorité de la population. » Ce sont « des êtres qui se résignent à (la) réalité ». Ce sont, des « hommes honnêtes », mais « leur esprit n’est pas révolutionnaire ». C’est « pour ce groupe que la Révolution peut être un problème ». Car ils n’ont pas pour principale préoccupation, comme « nous, révolutionnaires », « le peuple, et encore le peuple ». Dès lors, « ils constituent un problème dont la Révolution doit s’occuper », car elle « doit aspirer à ce que celui qui doute se convertisse en révolutionnaire ». Quelle politique, alors, doit avoir la Révolution « devant cette portion des intellectuels et des écrivains » ? Fidel lance sa célèbre apostrophe : « Dans la révolution tout, contre la révolution rien. » Parce que « la Révolution a aussi ses droits, et le premier de ces droits est celui d’exister. Et c’est parce que la Révolution représente les intérêts du peuple… que nul ne peut alléguer de droits contre elle ».
    La Révolution, c’est-à-dire Fidel, est donc désormais chargée de dire ce qui est « contre-révolutionnaire » dans l’art et la pensée. C’est le totalitarisme qui s’installe, excluant le différent, et bien sûr l’opposant. Cette évolution aura été lente. « Che » Guevara, en particulier, s’y est opposé, pour qui « la beauté n’est pas en lutte avec la révolution ». Un écrivain comme Alejo Carpentier, quoique d’une infinie prudence politique, a gardé assez vive la mémoire de sa jeunesse pour affirmer que « le surréalisme estune violence qui doit être faite au réalisme social ». Mais un glissement est amorcé. L’écrivain Virgilio Piñera, qui a osé dire à Castro, à l’issue de son adresse : « J’ai très peur », verra sa prémonition réalisée. Arrêté peu après, il sera interdit de publication jusqu’à sa mort en 1979, et même au-delà (1994).
    Cette mise en place, en 1961, d’une doctrine dans le champ intellectuel va de pair avec les premiers pas en direction du parti unique. Au vrai, depuis la « révélation du caractère socialiste » de la Révolution, les choses allaient sans dire. Et, de fait, elles ne seront pas dites ! Du moins pas avant d’être accomplies, selon une
praxis
consolidée du castrisme. On commence d’en parler « dans les milieux généralement bien informés » à la fin du printemps. Le Che y fait la première allusion le 5 juin. Fidel reprend le thème en mineur. Début juillet, on apprend que le M-26 vient « de fusionner avec le PSP et le Directoire au sein des ORI ». ORI ? Organisations révolutionnaires intégrées. Nul communiqué n’a annoncé ce pas capital, répercuté par les correspondants étrangers en fonction d’éléments susurrés dans le sérail. On apprend aussi que les ORI sont réunies à La Havane dans les locaux du journal communiste
Hoy
. Et le nom du responsable filtre de la même manière : Anibal Escalante, secrétaire exécutif de l’ex-PSP, adjoint immédiat de son numéro 1 officiel, Blas Roca.
    En chemise blanche et cravate, élégant comme on ne l’avait plus vu depuis longtemps, Fidel s’adresse à la foule le 26 juillet 1961. Il confirme que « l’unification est en cours ». Mais, ajoute-t-il, « la fusion sera annoncée au moment où elle sera réalisée ». Car « le socialisme implique un processus d’éducation du peuple ». Le 2 septembre, une mobilisation générale des CDR et des syndicats a eu lieu pour faire approuver « par le peuple » la politique « socialiste » du gouvernement. En une journée, des dizaines de milliers de meetings ont lieu. « Plusieurs millions de Cubains » approuvent.
    Cependant, Anibal Escalante, responsable des ORI, travaille. Il introduit à tous les niveaux des « vieux communistes

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