Fidel Castro une vie
» – selon l’expression qui fait florès. Il ne prend pas de précautions particulières. Dans nombre de localités, l’Organisation s’installe… au siège du PSP. On bouscule, au passage, quelques fidélistes. Fin novembre, on annonce un granddiscours de Castro. Le
Lider
, estiment les observateurs, va annoncer la composition du praesidium du Parti unique de la révolution socialiste, ou PURS.
Or, Fidel prononce, le 2 décembre 1961, un texte de cinq heures où il se borne, en apparence, « à exprimer quelques idées fondamentales en rapport avec le parti unifié de la Révolution ». C’est un étrange soliloque. On ne comprend pas clairement, sur le fond, où il veut en venir ; il musarde comme s’il cherchait à occuper l’espace en attendant un instant décisif. Et il fait à ses compatriotes une révélation renversante, selon la forme du dialogue incantatoire avec lui-même qu’il affectionne : il est « marxiste » au moins depuis la Moncada ! « Est-ce que je crois au marxisme ? Oui, je crois absolument au marxisme. Y croyais-je dès le 1 er janvier [1959] ? Oui, dès le 1 er janvier. Y croyais-je le 26 juillet [1953] ? Oui, j’y croyais. »
Ainsi, Castro mentait depuis des années ! Il avait maquillé
L’Histoire m’absoudra
, sa plaidoirie de 1953. Car si le document avait été plus radical, « le mouvement de lutte contre Batista n’aurait pas pris l’ampleur qu’il a pris et qui a rendu la victoire possible ». Castro a menti à Matthews, le premier journaliste à l’interroger dans la Sierra. Il a menti durant son voyage aux États-Unis, en avril 1959. Ou bien pratiquait-il la « restriction de conscience », selon l’enseignement de ses maîtres jésuites ? Souvent, en effet, on lui demandait : « Êtes-vous communiste ? » et non : « Êtes-vous marxiste ? » Il pouvait donc répondre, comme à Dubois : « Je n’ai jamais été et ne suis pas communiste. » Ou bien est-ce ce soir-là, 2 décembre 1961, qu’il ment ? Et ment-il encore quand il ajoute : « Je serai marxiste-léniniste jusqu’à mon dernier jour » ? On connaît l’aporie du Crétois : « Tous les Crétois sont des menteurs… » Et l’on pourrait, à propos de Fidel, reprendre, le mot de Cocteau, « je suis un mensonge qui dit toujours la vérité », en le retournant : je suis véridique mais toujours je mens.
Pour aider à élucider le mystère d’une conscience qu’il n’aime pourtant pas livrer en pâture, Fidel, ce soir-là, s’essaie à quelques détails : « J’étais un analphabète politique lorsque j’ai passé le baccalauréat. » Cela on le savait, mais quelle a été l’« étincelle » ? « Probablement avant tout une vocation. » Ensuite « une honnêteté naturelle ». Imagine-t-on explications moins« matérialistes » ? Fidel ne dit rien des fils de paysans pauvres de Birán qui auraient éveillé son sens social. Il a réagi négativement, à l’université, à « l’économie politique bourgeoise » : « J’ai commencé à ne pas être d’accord et à concevoir quelques idées révolutionnaires. » Ensuite – « une étape marquante » – « [nous] avons eu nos premiers contacts avec le
Manifeste communiste
, avec les œuvres de Marx, d’Engels et de Lénine. »
Castro a-t-il donc étudié à fond
Le Capital
? Non, « je [ne]l’avais lu [que] jusqu’à la page 370 ! » Cependant, à l’époque de la Moncada, « notre pensée révolutionnaire, dans ses lignes générales, était déjà formée ». De Marx, Fidel passe à Lénine, puis à l’expérience de l’Union soviétique, qui a « une valeur incalculable pour l’humanité » : ce pays n’a-t-il pas une « avance technique, culturelle et scientifique que nul n’osera discuter… », puisque son économie croît à un « rythme de 10 % par an ». Le seul espoir des États-Unis est dès lors, un jour, « d’être socialistes » ! Car l’orateur est certain qu’il n’y a « pas de moyen terme entre capitalisme et socialisme » – la phrase du discours qui sera la plus reprise par la presse étrangère.
Trois ans après sa victoire, Castro n’entend plus continuer à « faire une révolution socialiste sans socialistes ». D’où la nécessité « d’unifier les forces révolutionnaires ». Cela apportera « des milliers de cadres, de gens éprouvés qui ont traversé de dures épreuves et ont fait de gros sacrifices ».
Comment ne pas reconnaître, dans cette description, les militants du PSP ? Ces
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