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Fiora et le roi de France

Fiora et le roi de France

Titel: Fiora et le roi de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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temporelle. Lorenzo n’avait pas commis de faute et
le peuple l’aimait. Il lui était reconnaissant de l’avoir défendu contre ceux
qui cherchaient à s’en prendre à ses libertés... Quant au clergé toscan,
prélats en tête, il affirmait son intention, au cas où l’interdit serait lancé,
de refuser de l’appliquer et de réclamer la réunion d’un concile général.
    Mieux
encore. Une garde plus importante était offerte à Lorenzo, une garde qui le
suivrait partout, et Savaglio marcherait devant lui, l’épée nue, car on savait
quels traquenards pouvait tisser la haine de Sixte IV. Quant à la guerre,
chacun commençait à s’y préparer et l’or affluait pour acheter des troupes
aussi nombreuses que possible.
    – Moi
seule ne ferai rien, soupira Fiora, puisque je vais partir...
    – Tu
prieras pour nous, dit Chiara venue avec Colomba pour une dernière visite, car
Fiora ne devait plus retourner en ville. Ainsi en avait décidé Lorenzo au cours
de leur dernière nuit, afin d’éviter qu’elle se trouvât prise dans les
turbulences du peuple.
    – Je
n’ai guère l’habitude de prier, tu sais ?
    – Léonarde
t’apprendra : elle fait cela très bien. Tu vas me manquer. J’avais l’impression
de revenir aux jours d’autrefois !
    – Pourquoi
regarder en arrière ? Nous sommes jeunes et nous avons, je l’espère, de
belles années devant nous. Tu pourrais venir me voir en France ? C’est un
magnifique pays, différent d’ici, bien sûr, mais tu t’y plairais. Et puis, tu
aurais sûrement un grand succès !
    – Je
ne dis pas non. Mais il me faut d’abord convaincre l’oncle Lodovico de l’intérêt
que présentent les papillons français !
    Se
tenant par le bras et suivies de Colomba qui reniflait dans son mouchoir, les
deux jeunes femmes suivaient la longue allée de cyprès qui menait à la villa et
la dissimulait en même temps aux regards étrangers. Un valet tenait par la
bride les mules des visiteuses. Soudain, Fiora aperçut une pierre tombée dans l’herbe.
Elle venait sans nul doute du muret qui soulignait la double file des hauts
arbres d’un vert presque noir. Elle alla la ramasser et la tint un instant dans
le creux de sa main, songeuse tout à coup :
    – Te
souviens-tu de ce que je te disais au matin de la Saint-Jean ?
    – La
pierre arrachée ?
    – Oui.
Tu vois, je croyais alors qu’elle avait repris sa place dans le mur auquel elle
appartenait. Je me trompais. Ce caillou est un signe...
    – Pas
vraiment. Regarde ! Sa place est marquée... là ! Tu n’as qu’à la
remettre.
    – Non,
Elle tomberait encore. Il faudrait un peu de mortier pour la fixer, et je n’en
ai pas. Je crois que je vais la garder et l’emporter avec moi, en souvenir.
    – Sa
place va donc rester vide comme la tienne ? J’espère qu’un jour vous
reviendrez, l’une et l’autre, les occuper.
    Et
Chiara, les larmes aux yeux, embrassa son amie, se jeta sur sa mule et s’enfuit
comme s’il y avait le feu, poursuivie par les cris de Colomba à laquelle il
fallait plus de cérémonie. Fiora resta seule au bout de l’allée.
    Ainsi,
de grands arrachements en menues déchirures, les liens qui l’attachaient à sa
chère Florence cédaient l’un après l’autre sans qu’elle pût savoir s’ils se
renoueraient un jour. Elle avait dû renoncer à retourner sur la tombe de son
père et la décision lui avait été cruelle, mais Chiara lui avait promis d’y
prier chaque semaine en son nom. Cependant le plus dur fut, au matin du départ,
la dernière séparation, l’adieu à la maison et à ceux qui allaient y rester.
     
    Il eut
lieu, ce départ, le quatorzième jour du mois de juillet, fête de saint
Bonaventure, docteur de l’Église et compagnon de François d’Assise. A cette
occasion, un office était célébré dans le petit couvent franciscain de Fiesole
où, une nuit d’hiver, Philippe de Selongey et Fiora s’étaient unis. Celle-ci,
avant de prendre la route, cette route qui la ramènerait à son époux, tint à
aller entendre l’office, pour une raison qui lui restait obscure, d’ailleurs,
mais il lui semblait qu’ainsi, elle renouerait, dans le cadre même du premier
serment, les liens qu’elle avait cru rompus par la mort. Tôt le matin, alors
que le jour se levait, elle vint s’agenouiller au tribunal de la Pénitence,
dans l’ombre froide d’une chapelle, pour s’y laver de son péché charnel. Elle
désirait sincèrement l’effacer de

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