Fiora et le roi de France
Oh,
Khatoun, comment ai-je pu rester si longtemps loin de lui ?
La
jeune Tartare n’eut pas le loisir de donner une réponse à une question qui, d’ailleurs,
n’en demandait pas : telle une volée de moineaux, les habitants de la
maison accouraient à sa rencontre. Les jambes de Léonarde ne valaient pas
celles de ses compagnons, mais personne ne se fût permis de la dépasser dans
cette course à la bienvenue. Au contraire, Florent et Marcelline, la nourrice
de l’enfant, la soutenaient et ce fut elle qui, bonne première, tomba dans les
bras de Fiora, précipitamment débarrassée de son fils par une Khatoun qui n’attendait
que cela, ravie de connaître enfin le « bébé Philippe ».
Pendant
un moment, ce ne furent qu’embrassades, saluts, serrements de mains,
exclamations joyeuses et souhaits de bienvenue. Léonarde qui, la cornette en
bataille, pleurait comme une fontaine en serrant « son agneau » sur
son cœur, embrassa Khatoun presque aussi chaleureusement, ce qui surprit la
petite, guère habituée à de telles expansions chez cette « donna Leonarda »
qu’elle avait toujours trouvée un brin sévère.
– Dieu
a permis que vous vous retrouviez, déclara Léonarde, que Son nom soit béni et
que cette maison où tu vas vivre désormais te soit douce ! C’est un peu
des beaux jours d’autrefois qui nous revient avec toi !
Et
elle la réembrassa pour mieux montrer la joie qu’elle éprouvait à la revoir.
Etienne Le Puellier et sa femme Péronnelle, respectivement intendant et
cuisinière du petit domaine, avaient eux aussi les larmes aux yeux en revoyant
une jeune maîtresse pour laquelle ils éprouvaient une amitié proche de l’affection.
Quant au jeune Florent, ex-apprenti banquier chez Agnolo Nardi, à Paris,
présentement jardinier et bras droit d’Etienne, il contemplait Fiora, les mains
jointes et le regard émerveillé, sans songer à essuyer les larmes abondantes
qui coulaient sur son sarrau de toile bleue : les sentiments qu’il portait
à Fiora n’étaient un secret pour personne et le retrouver en extase n’avait
rien de surprenant.
Seule
Marcelline, la nourrice, qui n’avait guère eu le temps de connaître la mère de
son nourrisson, montra quelque retenue, déclara qu’elle était bien contente que
« Madame la comtesse » soit de retour, mais se dépêcha d’enlever le
petit Philippe des bras de Khatoun en s’efforçant de la foudroyer du regard.
Voyant s’abaisser de déception les coins des lèvres de son ancienne esclave,
Fiora comprit qu’il fallait prévoir des difficultés de ce côté-là et, pour
mettre tout le monde d’accord, s’écria :
– Laissez-le-moi
un peu, Marcelline ! Songez qu’il y a des mois que je ne l’ai vu...
– C’est
qu’il est lourd, Madame la comtesse ! Et après ce long voyage...
– Je
suis encore capable de supporter ce fardeau, dit-elle avec bonne humeur. Il y a
si longtemps que j’en rêve !
Et,
tenant fièrement son fils dans ses bras, elle se mit en marche vers la maison
dans laquelle Péronnelle avait déjà disparu en criant qu’elle allait préparer
le meilleur souper de la terre. Léonarde et Khatoun encadraient Fiora qu’Etienne
et Florent suivaient, menant en bride les chevaux qu’ils allaient conduire aux
écuries après les avoir débarrassés des bagages et dessellés. Marcelline prit
le parti de rejoindre Péronnelle pour l’aider dans sa tâche.
Léonarde
ne se lassait pas de contempler Fiora, comme si elle avait peur de la voir se
dissiper, comme un rêve, dans les derniers rayons du soleil. Visiblement, elle
débordait de questions, et ne résista pas longtemps à l’envie de poser la
première :
– D’où
nous arrivez-vous comme cela, mon agneau ?
– Je
vais vous surprendre, ma Léonarde : je viens de Florence où j’ai vu notre
ami Commynes. Et c’est Douglas Mortimer qui nous a ramenées...
– De
Florence ? Mais... comment y êtes-vous retournée ? N’était-ce pas une
grave imprudence ?
– Non,
les choses ont beaucoup changé ! Oh, mon amie, j’ai tant de choses à vous
raconter que je ne sais trop par où commencer !
– Le
plus simple n’est-il pas le commencement ? Quand vous avez été enlevée,
par exemple...
– Sans
doute, mais – et Fiora baissa la voix – ce que j’ai vécu durant ces mois ne
peut être entendu par toutes les oreilles. Et je vais vous demander un peu de
patience, jusqu’à ce que nous soyons seules, ce soir. En
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