Fiora et le roi de France
cela dans le détail.
– Vous
êtes sûre de n’être pas trop fatiguée ?
– Quelle
hypocrite vous faites ! dit Fiora en riant. Voilà une heure que vous me
trempez dans l’eau froide. Ne me dites pas que vous n’aviez pas une idée
derrière la tête ?
– J’avoue,
fit Léonarde avec bonne humeur, mais je vous promets de préparer tout à l’heure
une infusion de tilleul pour que vous passiez une bonne nuit.
Il
était près de minuit quand Fiora reçut la tisane en question et se glissa dans
des draps frais qui sentaient la menthe et le pin. Tandis qu’elle buvait, ses
yeux, pardessus le bord de la tasse, interrogeaient ceux de Léonarde debout,
bras croisés, auprès de son lit :
– Est-ce
que je ne vous fais pas horreur ?
– Pourquoi ?
Parce que, vous croyant veuve, vous avez laissé la nature parler en vous et entre
les mains d’un homme... dont plus d’une femme peut rêver ? Ce vieux fou de
Démétrios a d’ailleurs dû vous dire ce qu’il en pensait ?
– Certes.
Il semblait comprendre que, sans l’aimer vraiment, je puisse être heureuse avec
Lorenzo...
– Il
m’eût étonné qu’il vous prêchât les mortifications et le couvent ! Ces
Grecs ont une morale bien à eux, mais en l’occasion, il avait raison : vous
avez montré un courage d’homme et vous aviez droit à une récompense. Dormez, à
présent, et ne pensez plus à tout cela. Demain sera un autre jour... et le
début d’une nouvelle vie. C’est de ce côté-là qu’il faut regarder.
Ayant
dit, Léonarde se pencha pour embrasser Fiora, puis, après avoir déclaré qu’elle
n’allumait pas la veilleuse à cause des moustiques particulièrement voraces cet
été, elle quitta la chambre et regagna la sienne. Là, avant de se coucher, elle
resta longtemps à genoux devant une statuette de Notre-Dame de Cléry que Louis
XI lui avait offerte pour y accrocher ses espoirs et ses prières durant la trop
longue absence de Fiora. Elle avait beaucoup de mercis à formuler pour le
retour de la voyageuse, mais elle ne put s’empêcher d’y joindre la prière que
de nouvelles épreuves fussent épargnées à l’enfant de son cœur...
En
descendant à la cuisine, le lendemain matin, Fiora y trouva Douglas Mortimer.
Attablé confortablement, l’Ecossais était en train de faire un sort à certain
pâté de lapin dont Péronnelle lui servait de généreuses portions. Il les
étalait sur de larges tranches de pain. A chaque bouchée correspondait un petit
oignon confit dans du vinaigre qu’il allait pêcher dans un pot en grès à la
pointe de son couteau. Le contenu d’un gros pichet de vin d’Orléans aidait à
faire glisser le tout.
Voyant
entrer la jeune femme, il se leva et salua, sans lâcher pour autant sa tartine
et son couteau :
– Le
roi m’envoie vers vous, donna Fiora, expliqua-t-il, et, en attendant votre
réveil, dame Péronnelle m’a donné de quoi prendre patience.
– Elle
a bien fait, et je vais vous tenir compagnie. J’ai faim et ce pâté sent bien
bon... Mais pourquoi notre sire vous envoie-t-il si matin ? Avez-vous donc
un message important ?
– Oui
et non. Le roi vous invite à souper ce soir, mais c’est un lève-tôt qui aime
bien organiser sa journée dès qu’il a l’œil ouvert. Et puis, l’idée de venir
passer un moment dans votre cuisine n’est pas pour me déplaire, conclut-il avec
bonne humeur.
– Le
roi me fait grand honneur, dit Fiora en attirant la terrine à elle. Mais d’autres
convives seront présents ce soir et j’aimerais lui parler seul à seule.
– Lui
aussi. C’est pourquoi il vous fait dire de venir vers quatre heures, l’heure de
sa promenade à pied ou à cheval. Aujourd’hui ce sera à pied. Vous pourrez faire
le tour du potager, ou du verger, ou visiter les écuries et la vénerie...
A l’heure
dite, Fiora, escortée de Florent tout fier d’avoir retrouvé son rôle de
chevalier d’honneur, pénétrait dans la cour du Plessis et mettait pied à terre
près du vieux puits. Sa toilette lui avait posé quelques problèmes. Elle savait
combien son royal hôte appréciait la simplicité, surtout si l’on devait marcher
à travers champs, mais d’autre part, il tenait à ce que l’on respectât un
certain décorum et donc une certaine recherche lorsque l’on était admis à l’honneur
de l’approcher en son particulier. Aussi, après mûre réflexion, Fiora
avait-elle opté, avec l’approbation de Léonarde, pour une
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