Fiora et le roi de France
ajouter :
– Pour
mes gens, vous serez une dame pèlerine qui souhaite aller se recueillir à
Compostelle, ou à Rome.
– Ne
m’en veuillez pas, Monseigneur, si je préfère Compostelle. Rome ne m’a pas
laissé d’assez bons souvenirs...
– J’ajoute,
fit Léonarde qui n’avait pas quitté Fiora, que Votre Grandeur aura sous sa
garde deux dames pèlerines. J’ai l’intention d’aller, moi aussi, faire mes
dévotions. Et j’espère que personne n’y verra d’inconvénients !
Son
œil dont l’azur candide gardait toute sa fraîcheur défiait quiconque tenterait
de s’opposer à son projet. Mais personne n’y songeait. Della Rovere lui sourit
et Fiora, prenant son bras, le glissa sous le sien :
– Puisque
nous voyagerons en litière, je serai heureuse de vous avoir avec moi.
Il fut
plus difficile de faire comprendre à Khatoun qu’il ne pouvait être question de
l’emmener de surcroît. La présence d’une Asiatique dans le cortège d’un prince
de l’Église, et avec d’autres femmes, risquait de donner à l’ensemble une
allure de harem plus que de pèlerinage.
– Ce
ne sera pas long, lui dit Fiora, et j’ai besoin que quelqu’un veille bien sur
mon petit Philippe...
Marcelline,
en effet, quittait la Rabaudière. Son lait était tari, et d’autre part son
époux et sa famille la réclamaient. Elle était partie le matin même pour son
village de Savonnières, avec de grands soupirs et beaucoup de larmes car elle
échangeait une vie agréable et facile contre la dure existence d’une ferme,
mais Fiora avait su lui apporter quelques consolations. La nourrice s’en
retournait plus riche qu’elle n’était venue, emportant non seulement les
vêtements qu’on lui avait offerts durant une année, mais aussi du linge, des
provisions, la croix en or qu’elle portait fièrement au cou et la somme
coquette qui allait faire d’elle la plus riche fermière de son village.
Khatoun
avait vu ce départ avec soulagement. Elle et la nourrice s’étaient détestées au
premier regard et la lutte pour la possession du bébé avait été chaude. La
nature décidant en faveur de la jeune Tartare, la Tourangelle avait aussitôt
décrété que la « sorcière jaune » avait fait tourner son lait.
Accusation contre laquelle Fiora s’éleva avec la dernière vigueur.
– Si
pareil propos me revient aux oreilles, dit-elle avec sévérité, je saurai d’où
il vient et votre intérêt n’est pas de vous faire de moi une ennemie. Khatoun
était esclave, sans doute, mais n’a jamais été traitée comme telle. Nous avons
été élevées ensemble et, par deux fois, elle m’a sauvée. Je lui dois donc
beaucoup, et je n’oublie jamais mes dettes. En outre, j’ai de l’affection pour
elle...
Comprenant
que son intérêt n’était pas de s’entêter, Marcelline jura de ne plus répéter
son accusation sur le livre d’heures, ouvert à l’image de la Crucifixion, que
Léonarde mit sous sa main sans dire un mot mais avec un regard qui en disait
long. Et l’on se sépara les meilleures amies du monde.
– Quand
madame la Comtesse donnera une petite sœur à messire Philippe, j’espère qu’elle
me rappellera ! dit Marcelline en manière de conclusion.
– Pensez-vous
donc avoir encore des enfants ? Vous en avez trois, me semble-t-il ?
– Oui,
mais ma mère en a eu douze et mon Colas veut beaucoup de fils pour l’aider à la
terre.
Khatoun,
restée maîtresse du terrain, finit par comprendre qu’en lui confiant son fils,
de compte à demi avec Péronnelle, Fiora lui donnait une large marque de
confiance. Elle cessa ses protestations.
Ce fut
ensuite le tour de Florent. L’idée de voir sa chère maîtresse quitter à nouveau
son manoir pour une destination éloignée était insupportable au jeune homme. Il
prétendait l’escorter en tant qu’écuyer. Cette fois, Léonarde intervint :
– Que
pourrait-elle faire d’un écuyer alors qu’elle va voyager en litière ?
– Mais
je la protégerais des mauvaises rencontres ?
– Des
mauvaises rencontres ? Alors que nous serons en compagnie d’un légat du
pape ? Ne rêvez pas, mon ami ! D’autre part, si je vais là-bas c’est
uniquement pour veiller sur donna Fiora. Et vous savez bien qu’avec les
vendanges qui arrivent, Etienne a grand besoin de vous.
– Il
se passait bien de moi quand je n’y étais pas ! bougonna le garçon.
Léonarde, alors, lui offrit son sourire le plus
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