Fiora et le roi de France
côté de ce qui devenait un
sentier herbeux paraissaient s’animer. Des ombres se levaient d’ombres plus
épaisses et, bientôt, quatre cavaliers masqués entourèrent l’équipage qui ne
ralentit pas pour autant.
– Que
Dieu nous protège ! gémit Léonarde. J’ai peur que ceci ne soit notre
perte.
Fiora
ne répondit pas. Une violente colère la préservait de la peur. Comment
avait-elle pu être assez stupide, assez folle pour ajouter foi aux paroles d’un
neveu de Sixte IV ? Comment avait-elle pu croire qu’il désirait l’aider ?
Soudain,
le cocher retint ses chevaux, si brutalement que les deux passagères se
retrouvèrent à plat ventre. Presque en même temps, la portière s’ouvrit et des
mains sans douceur s’emparèrent de Fiora et de Léonarde qu’elles tirèrent
au-dehors. Elles virent alors que l’on se trouvait dans une clairière qu’un
reste de jour éclairait vaguement. Cinq ou six hommes se tenaient là, vêtus de
sombre, et il était impossible de distinguer leurs traits. Deux d’entre eux,
appuyés sur des pelles, se dressaient au bord d’un grand trou plus long que
large qu’ils venaient sans doute de creuser.
Ce fut
devant ce trou que l’on traîna les deux malheureuses, et elles comprirent tout
de suite qu’il avait été ouvert à leur intention. Ces gens étaient là pour les
assassiner.
– Qui
êtes-vous ? Que nous voulez-vous ? s’écria Fiora. Celui qui semblait
le chef ne daigna pas répondre.
S’avançant,
dans la lumière dansante d’une torche que l’un de ses compagnons venait d’allumer,
il jeta une bourse au cocher qui l’attrapa au vol, et lui désigna un sentier, à
peine visible, sur sa droite :
– Bon
travail, l’ami ! Passe par là ! Tu rejoindras le cortège avant
Loches...
A
nouveau, Pompeo enleva ses chevaux. L’attelage disparut instantanément, avalé
par la nuit et les branches basses. L’homme attendit que le bruit se fût
éteint, puis se tourna vers celles qui allaient sans doute être ses victimes et
que quatre de ses compagnons maintenaient. Fiora se débattait furieusement,
mais Léonarde, accablée par un coup aussi inattendu, s’était laissée tomber à
genoux sur la terre humide et priait, n’attendant plus rien que l’instant
fatal.
D’un
geste brutal, le chef arracha le voile qui enveloppait la tête de Fiora.
– J’avais
pensé vous enterrer toutes vives, fit-il, mais je ne suis pas un homme cruel.
On va vous égorger avant, et ce voile teint de votre sang sera une bonne preuve
de ce que j’ai bien fait mon travail.
– Pour
qui ce travail ? lança Fiora. Ne me dites pas que c’est pour le roi ?
Je croirais plutôt qu’il vous le fera payer très cher quand il saura...
– Mais
il ne saura rien. Vous allez disparaître sans laisser de traces.
– Avant
de mourir, je voudrais tout de même savoir qui me tue ? Le pape ? C’est
le cardinal qui vous paye ?
– Lui ?
Il n’en sait pas davantage. Il pensait simplement qu’un long bout de chemin
serait suffisant pour débarrasser le pays de votre présence. Tout ce qu’on lui
a demandé, c’était de vous emmener avec lui.
– Qui,
« on » ?
– Je
ne vois pas en quoi cela vous intéresse ? Vous devriez plutôt faire comme
votre compagne et songer à votre paix avec le Ciel. Je vous accorde un instant
pour dire un bout de prière.
L’un
des bandits s’approcha :
– Si
on expédiait l’autre pendant ce temps ?
– Bonne
idée ! Elle doit être prête. Elle a bien assez prié.
– Laissez-moi
au moins l’embrasser ! cria Fiora désespérée.
– Cela
me paraît inutile. Dans ce trou, vous pourrez vous embrasser autant que vous
voudrez...
CHAPITRE VI LA TRACE D’UNE
OMBRE
– Léonarde !
hurla Fiora. Pardonnez-moi !
Un cri
de douleur lui répondit. L’homme qui avait proposé de tuer la vieille
demoiselle venait de lui arracher sa coiffe et l’empoignait par les cheveux,
les tirant sauvagement pour l’obliger à lever la tête et à dégager la gorge qu’il
allait trancher. Mais il n’eut pas le temps d’approcher son couteau de la peau.
Partie de l’ombre, une flèche lui traversa le cou et il s’écroula sur Léonarde.
En même temps, des cavaliers enveloppaient la clairière. La lumière incertaine
de la torche fit luire des cottes de mailles, sous des demi-cuirasses et des
chapeaux de fer. Une voix rauque tonna :
– De
par le roi ! Qu’on s’empare de ces gens et qu’on
Weitere Kostenlose Bücher