Fiorinda la belle
monsieur, dit froidement Beaurevers, cette bulle ne pourra pas servir au duc de Guise, et c’est ce que je voulais. Vous êtes sûr maintenant que nul ne la verra… pas plus le roi que d’autres. Adieu, monsieur. »
Et il partit d’un pas rude et allongé, laissant le vidame tout interloqué au milieu du quai.
VII – OÙ FERRIÈRE APPREND QU’IL ÉTAIT SANS LE SAVOIR, FIANCÉ À UNE AUTRE QUE CELLE QU’IL AIME
Tout pensif, le vidame de Saint-Germain s’achemina vers sa maison. Malgré lui, les paroles de Beaurevers repassaient dans son esprit. Et il se sentait troublé, plus qu’il n’eût voulu.
Comme il passait à proximité d’une des trois portes qui faisaient communiquer son jardin avec celui de son fils, cette porte s’ouvrit et une ombre parut dans l’encombrement.
« C’est vous, vicomte ? demanda-t-il.
– Oui, monsieur », répondit la voix de Ferrière.
Le jeune homme aborda respectueusement son père. Celui-ci, d’un rapide coup d’œil, l’inspecta des pieds à la tête. Et ce regard trahissait l’inquiétude paternelle.
Ferrière paraissait préoccupé, inquiet. Rien chez lui ni dans sa tenue n’indiquait qu’il eût soutenu une lutte récente. Il paraissait en excellente santé. Et le père se rasséréna. Seulement, ce sentiment d’inquiétude avait passé si rapidement sur le visage du vidame que le comte, d’ailleurs visiblement absent, ne le remarqua pas.
« Eh bien, vicomte, prononça le vidame, c’est à cette heure-ci que vous venez… quand je vous avais recommandé d’être là à huit heures au plus tard.
– Monsieur, répondit Ferrière troublé, accablez-moi.
Je le mérite. J’avoue que j’ai totalement oublié l’ordre que vous m’avez donné. J’avoue que cet ordre me revient à la mémoire à l’instant… parce que vous me le rappelez.
– Il faut donc qu’il vous soit arrivé quelque chose de bien grave. Je reconnais que vous êtes ordinairement respectueux des ordres paternels.
– En effet, monsieur.
– Rien de fâcheux, j’espère.
– Non, monsieur, rassurez-vous. Et c’est pour vous entretenir de ces choses que, malgré l’heure tardive, je venais vous supplier de m’accorder la faveur d’un entretien particulier.
– Soit, vous pourrez parler tout à l’heure, quand les visiteurs qui sont chez moi seront partis. Car j’ai reçu la visite d’illustres personnages. Et c’est en prévision de cette visite que je vous avais recommandé d’être là… Venez, vicomte. »
Et il entraîna Ferrière, à la fois intrigué et ennuyé.
L’entrée de Ferrière dans les circonstances présentes passa complètement inaperçue. Et cela se conçoit.
Le duc de Guise paraissait complètement remis de la furieuse secousse que Beaurevers lui avait infligée.
« Monsieur, dit-il dès que le vidame parut dans la salle, nous attendions votre retour pour nous concerter sur les mesures qu’il convient de prendre.
– À quel sujet, monseigneur ?
– Mais, au sujet de ce truand, que l’enfer engloutisse. Vous devez bien penser qu’il n’aura rien de plus pressé que d’aller nous dénoncer. Et comme malheureusement, il a emporté la bulle du pape, il possède une arme terrible contre nous.
– Rassurez-vous, monseigneur, cette arme n’existe plus.
– Vous la lui avez reprise ? s’écria vivement le duc, étonné.
– Non, monseigneur, mais ce jeune homme s’en est dessaisi lui-même », répondit le vidame.
Et il raconta brièvement comment Beaurevers avait jeté la bulle dans la rivière.
En apprenant que Beaurevers ne possédait plus la bulle, preuve indéniable de leurs menées tortueuses pour extorquer la couronne de France, les Guises s’étaient sentis soulagés du poids énorme qui les oppressait. Le duc reprit son air aimable. Alors seulement, il parut remarquer la présence de Ferrière.
« N’est-ce pas le vicomte, votre fils, que je vois là ?… dit-il avec un gracieux sourire. Et pourquoi, diable, se tient-il à l’écart ?
– J’ai laissé le vicomte à l’écart parce que j’ai compris que vous attendiez de moi des renseignements qui, dans l’incertitude où vous étiez, avaient une importance qui prime tout.
– Et je vous remercie, Monsieur. Mais, maintenant, je crois que nous pouvons en toute quiétude d’esprit régler cette affaire de famille qui vous tient particulièrement à cœur, m’avez-vous dit ? »
Le vidame, avec cette franchise si remarquable chez lui, ne
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