Fleurs de Paris
d’un
geste rapide, s’assura que son couteau était en place, à portée de
sa main…
– Il faut bien que mon père me
reconnaisse ! grogna-t-il.
– Un instant ! dit La Veuve. Vous
gâteriez tout par trop de précipitation. Je vais entrer la
première.
– Soit !… Hâtez-vous ! gronda
Gérard.
– Je laisserai la porte ouverte. J’en ai
pour vingt minutes. Quand il sera temps, je sifflerai… vous
entendez ?… Ne venez pas avant mon coup de sifflet… ou je ne
réponds de rien…
– J’attendrai… mais faites vite !
dit Gérard avec un tel rugissement que La Veuve en eut un sourire
d’extase mortelle, et murmura :
– Cette fois, mon Hubert, nous allons en
voir de drôles !… Mais avant de te montrer ton cher fils,
n’est-il pas juste que tu revoies une dernière fois celle que tu as
tant aimée ? Ô ma mère, ajouta-t-elle, avec un accent de haine
flamboyante, dormez tranquille ! Ô mes enfants, c’est ce soir
que nous prenons notre revanche, ô mon petit Louis ! ô ma
petite Suzette adorée !…
Elle eut une sorte de sanglot, fit à Gérard un
signe d’autorité, et pénétra dans la maison.
C’était vrai : elle voulait voir Hubert
avant de le livrer à Gérard… mais, comme elle entrait, une idée,
brusquement, la fit dévier pour un instant. Une idée, une petite
idée… un instant fugitif… une toute petite pierre sur sa route,
peut-être, mais La Veuve, méthodique, implacable, raisonneuse,
voulait avoir toutes les chances pour elle.
Voici donc l’idée qui, au moment où elle
allait se diriger sur la pièce habitée par Hubert, la fit
dévier :
– Et l’autre, là-haut ?… La
bouquetière… Il ne faut pas qu’elle entende… qu’elle sache !…
Tant pis pour elle… et pour Biribi !…
Et La Veuve, rapidement, monta au premier
étage de la masure… à ce premier étage où Marie Charmant se
trouvait enfermée…
Gérard, dehors, attendait, ramassé sur
lui-même, haletant, tantôt préparant les suprêmes paroles qu’il
voulait dire à son père, tantôt prenant la résolution de le frapper
tout de suite, sans un mot…
Combien de temps attendit-il ?… Dix
minutes peut-être… Tout à coup, il tressaillit, et saisit son
couteau : un coup de sifflet strident déchirait le silence… le
signal de La Veuve !…
Gérard se rua sur la maison…
Chapitre 25 ZIZI AMOUREUX
Cette nuit-là, Ernest Gildas dit Zizi-Panpan
errait tristement dans le quartier. Il était seul. Le fidèle La
Merluche était resté à la maison. Dans la soirée, Zizi, après une
charmante journée passée en famille, avait éprouvé le besoin de
prendre l’air.
– Tu ne m’emmènes pas ? lui avait
murmuré La Merluche.
– Pas plan ! Pour ce qui se mijote,
faut des gars d’attaque ! avait répondu Zizi.
Et il était parti, laissant La Merluche
horriblement vexé et se tourmentant l’esprit pour savoir ce qui
pouvait bien se mijoter.
Zizi voulait revoir la rue Letort, tout
simplement – et, dans la rue Letort, sa maison… la maison de Marie
Charmant. Peut-être ce désir même ne se formulait-il pas dans son
esprit. Car si le gamin aimait sûrement la jolie bouquetière, il
n’est pas certain qu’il eût conscience de cet amour. Quoi qu’il en
soit, il commença par s’éloigner le plus possible du quartier, dans
la conviction où il était qu’on le cherchait et que la rue Letort
était spécialement surveillée. Peu à peu, il décrivit de plus
grands cercles concentriques, qui, de plus en plus, et presque
malgré lui, le rapprochaient de Marie Charmant. De rue en rue, il
finit par se trouver aux abords de la mairie, et alors, il se
dit :
– Si je me risquais ?…
À quoi voulait se risquer Zizi ?… À
entrer dans la rue Letort, tout simplement. Il n’y avait pas peu de
courage dans cette résolution, puisque Zizi était persuadé que la
rue était pavée d’agents uniquement créés et mis au monde pour le
guetter.
Parvenu devant
sa
maison, il se
rassura pourtant en constatant que la rue était parfaitement
paisible et déserte. Il leva le nez vers la fenêtre du logement
habité par Marie Charmant. Cette fenêtre était obscure.
– Mince ! murmura le gavroche. Voilà
que mon cœur fait toc-toc. Ah ça ! mais j’en pince donc pour
la bouquetière, moi ?… Tiens ! pourquoi pas ?
ajouta-t-il en se redressant.
Et, avec une expression de blague
intraduisible, il reprit :
– Non, décidément, elle n’est pas pour
mon
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