Fleurs de Paris
à eux deux… Il se
recula lentement jusqu’à Marie Charmant que, par un geste de
suprême et profond instinct, il couvrit de son corps : il se
plaça devant elle, en murmurant :
– Ne regardez pas, mon enfant…
Et il regarda, lui !… il se
disait :
– Ce bandit qui appelle mon fils
Charlot
, cet escarpe qui m’a surpris dans mon hôtel, ce
misérable enfin, c’est sans doute un camarade de vice et de crime.
Béni soit le hasard qui met Jean Nib aux prises avec
Charlot !… La punition de Gérard ne viendra pas de mes
mains ! Vous avez voulu m’épargner cette suprême douleur, ô
Dieu de justice !… Et vous m’avez envoyé un
champion !…
Charlot et Jean Nib se préparaient à se ruer
l’un sur l’autre !… Il les considérait tous les deux… et il
les trouvait semblables.
Marie Charmant, doucement, écartait le baron,
et elle aussi, invinciblement, regardait !…
Jean Nib, voyant que Gérard avait un couteau
au poing, avait sorti le sien en grondant :
– Si tu veux me croire, Charlot,
file ! Il n’est que temps !… Quant à toucher à l’homme,
je te le défends !…
– Je t’avais payé pour l’abattre, grinça
Gérard. Tu as eu peur, dis ?
– Peut-être bien. Ça me regarde.
Maintenant, file !…
– Tu rigoles, Jean Nib ! Il me faut
ta peau, d’abord ! puis celle du pante !… puis je
filerai !…
– Tu n’auras ni l’une ni l’autre,
Charlot !… Et tu vas filer !…
Soudain le bras de Gérard se détendit, son
couteau jeta un éclair…
– Attrape ça, toujours ! rugit
Charlot.
– Tu repasseras ! fit Jean Nib qui,
d’un bond, avait évité la brusque attaque.
Quelques secondes, les deux tigres, l’œil de
côté, le mufle convulsé, la gorge grondante, tournèrent autour l’un
de l’autre. Et tout à coup, ce fut Jean Nib qui attaqua, son bras
décrivit une volte rapide, il y eut dans l’obscurité une déchirure
d’éclair…
– À toi le bon !…
– Tu rigoles ! ricana Gérard.
Les deux couteaux s’étaient heurtés. Les deux
bras se choquèrent. Un seconde, le corps-à-corps fut imminent. Mais
ce corps-à-corps, chacun des deux adversaires voulait l’éviter à
tout prix. Jean Nib après l’attaque et Gérard en même temps que la
parade bondirent en arrière. Ni l’un ni l’autre n’était blessé… Ils
étaient à trois pas l’un de l’autre. De nouveau ils se
rapprochèrent. Coup sur coup, il y eut deux violentes
attaques ; à la suite de la dernière, Gérard gronda une
insulte furieuse ; il venait d’être atteint à l’épaule droite
et le sang coulait.
– Tu en tiens, cette fois, dit Jean
Nib.
– T’occupe pas… ce n’est rien… le couteau
qui doit me suriner n’est pas encore affûté, va !…
Et Hubert d’Anguerrand – le père –
regardait !… Peu à peu, il se pétrifiait dans un sentiment
d’horreur. Cela dura peut-être cinq ou six minutes encore…
Et tout à coup il vit son fils chancelant. La
blessure de Gérard était sérieuse. Il perdait du sang à flots, Jean
Nib attendait le moment où son adversaire épuisé demanderait grâce…
Gérard comprit qu’il allait tomber…
Il jeta sur Jean Nib un regard de haine
sauvage. Il se raidit, prépara le suprême assaut… et brusquement
bondit sur Jean Nib…
À ce moment, le couteau glissa de sa main, et
lui-même tomba sur un genou… il défaillait…
Dans le même instant, Jean Nib fut sur lui, et
le salait à la gorge.
– Demande pardon ! gronda-t-il.
– Tu rigoles ! répéta Gérard en se
raidissant sous l’étreinte.
– Demande pardon ! ou je te
surine !… C’est mon droit !…
Rudement, Gérard fit non de la tête. Le
couteau de Jean Nib se leva…
– Adieu, mon père ! cria Gérard dans
une sauvage explosion d’ironie sinistre.
– Adieu, mon fils ! répondit le
baron d’Anguerrand qui, gravement, se découvrit.
– Une dernière fois ! gronda Jean
Nib. Demandes-tu pardon ?
– Frappe donc ! et que ça
finisse !
À ce moment, Marie Charmant, d’un pas rapide,
s’avança jusqu’à Jean Nib, et, légèrement, le toucha à l’épaule.
Jean Nib redressa la tête.
– Qu’est-ce que tu veux, la gosse ?
grogna-t-il.
– Vous m’avez sauvée un soir, dit Marie
Charmant, d’une voix tremblante. Vous êtes brave, monsieur. Ce que
vous allez faire est lâche…
– Lâche ? gronda Jean Nib. Qu’est-ce
que c’est ? On s’est battu. C’est moi qui ai le dessus.
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