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Fourier

Fourier

Titel: Fourier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jonathan Beecher
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plus que « des droits à
la servitude, que le droit de travailler pour le plaisir des oisifs ». Que les
philosophes politiques égalent donc dans leur traitement des pauvres « la
prévoyance de la nature » :
    Pour l’égaler, il faudrait nous donner au moins ce qu’elle
donne aux sauvages et aux animaux libres, un travail qui leur plaît et auquel
ils ont été habitués pendant le cours de leur vie, un travail avec des êtres
dont la société leur convient. [...] Égalez les privilèges du civilisé à ceux
du sauvage que rien ne peut déposséder du droit aux mêmes travaux que les chefs
de sa horde, du droit à la chasse et à la pêche dont les fruits sont pour lui
et non pour un maître 54 .
    Ce texte de 1806 constitue l’une des premières formulations
socialistes du droit au travail. Elle sera reprise, avec les mêmes relents
d’anti égalitarisme, dans presque tous les écrits postérieurs de Fourier 55 .
    L’analyse de la philosophie morale, troisième volet de l’attaque
de Fourier contre « les philosophes », relève de l’autopsie plus que de la
critique : « la secte des moralistes est morte ». Les moralistes ont perdu à la
fois leur crédit auprès des intellectuels et leur ascendant sur les masses.
Personne n’attache plus d’importance à leurs dogmes (qui « ne peuvent s’accorder
avec l’expérience »). Les faits parlent d’eux-mêmes... inutile d’accumuler les
preuves. Fourier le fait pourtant, avec délectation. Qu’on les regarde vivre !
Les moralistes sont des charlatans : Sénèque en est le prototype, qui vantait
les vertus de la pauvreté du haut de sa « fortune de soixante millions tournois
». Leur incompétence est telle qu’ils noient sous des « torrents de ridicule »
le gouvernement qui a la sottise de les employer. La « grêle de sarcasme » qui
accueillit la publication par le Directoire de maximes tirées du Catéchisme
universel de Saint-Lambert fait le régal de Fourier 56 . Les seuls mots « payez vos impôts avec joie », dans leur
grotesque absurdité, suffisent à son bonheur.
    Fourier prend un malin plaisir à traquer les contradictions des
moralistes : il exulte en lisant chez Varron que les Romains avaient 278
opinions différentes sur la nature du bonheur ; un article sur la publication
des traités de morale fournit un prétexte idéal à son sarcasme :
    Nous n’avons eu cette année que 17 traités de morale,
disait un journal de 1803, qui s’apitoyait sur la modicité de cette récolte. Il
ne parlait que de la France : en y ajoutant les autres états qui font le
commerce de la morale ou la fabrique de la morale, très-active en Angleterre, Allemagne,
Italie, les traités doivent s’élever au moins à une quarantaine par an, même
dans les temps de disette ; et comme tous ces traités sont contradictoires,
chacun renversant celui de la veille, il faut changer de conduite et de mœurs
au moins quarante fois par an pour être docile aux leçons de la morale douce et
pure ; il faut avoir en outre beaucoup d’argent pour acheter ces innombrables
controverses, beaucoup de temps et de patience pour les lire, et beaucoup
d’intelligence pour les comprendre, car leurs auteurs ne se comprennent pas
eux-mêmes 57 .
    Toutes ses inconséquences n’empêchent pas les moralistes de
s’accorder sur un point : vertu égale répression et correction des passions.
Quand ils devraient étudier l’homme, ces philosophes ne font qu’inventer «
l’art de dénaturer l’homme, d’étouffer les ressorts de l’âme ou attractions
passionnées, sous prétexte qu’elles ne conviennent pas à l’ordre civilisé et
barbare 58 ».
    Content de tourner les moralistes en ridicule, Fourier ne
s’attarde pas sur leurs doctrines. Car si les prêtres et des politiciens
conservent quelque pouvoir sur les masses, les moralistes n’ont plus guère de
public ; ils sont comme « ces vieillards qui, retirés au coin de leur feu,
disent encore leur mot sur le siècle présent, qui ne les connaît plus 59 ». A l’ère du capitalisme commercial, les
doctrines du renoncement n’ont plus cours :
    Longtemps la morale a prêché le mépris des richesses
perfides; aujourd’hui Sénèque ne brillerait guère avec ses doctrines : le XIXe
siècle est tout entier à l’agiotage et à la soif de l’or [...]. Tel est
l’heureux fruit de nos progrès en RATIONALISME et POSITIVISME : ils nous ont poussés
d’un extrême à l’autre; ils ont introduit le culte du VEAU D’OR,

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