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Fourier

Fourier

Titel: Fourier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jonathan Beecher
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plusieurs
reprises, il fait des philosophes les acteurs d’un ballet obscurantiste qui
prétendent prendre « un vol sublime vers une marche rapide à la perfectibilité
perfectibilisante 64 ». Or un tel
langage n’est pas seulement absurde, il est trompeur :
    Les deux sciences philosophie et théologie, qui assurent au
pauvre tant de bonheur, s’affublent des masques de balance, contre-poids,
équilibre, garantie, perfectibilité. On peut comparer ces verbiages à celui des
Jacobins de 1793, qui, à chaque mot, faisaient retentir les principes, les
faits, la justice et le bien de la patrie, etc. Admirable chose en Civilisation
que l’abus des mots ! Lorsque Condillac nous dit : « Les mots sont les
véritables signes de nos idées », n’aurait-il pas mieux fait de dire : Les mots
sont les véritables masques de nos idées 65 ?
    A la critique fouriériste de la civilisation est liée la
conviction que toute rhétorique, politique ou économique, ne sert qu’à jeter
sur la réalité sociale un voile pudique et à dissimuler l’hégémonie, depuis la
Révolution française, de la « classe mercantile ».
    Il est une autre caractéristique de cette critique qui lui
confère poids et pérennité, tout en la distinguant de la critique sociale
radicale de la tradition marxiste : c’est l’étendue des sympathies sociales de
Fourier. A l’inverse de Marx et Engels, Fourier attache autant d’importance aux
conflits des sexes et des générations qu’à la lutte des classes. Il est
sensible à une immense variété de malheurs sociaux, et notamment à la
souffrance physique ou mentale que la victime elle-même ne peut expliquer ni
comprendre. Fourier ne se préoccupe pas seulement de l’exploitation des
ouvriers en usine ou des épreuves des petits fermiers, mais aussi des corvées
ménagères imposées aux femmes, de l’ennui des employés de bureau, des mauvais
traitements infligés aux enfants, de la vie sans amour et sans sécurité des
vieillards, des misères des gens laids, quels que soient leur classe ou leur
statut. Il comprend immédiatement la détresse quand il la rencontre et sait la
reconnaître quand elle échappe à d’autres. Il possède, selon Edmund Wilson, «
un don presque fou pour la pitié 66 ».
    Ce don s’enracine dans un refus obstiné de tout fatalisme.
Fourier n’envisage pas un instant que la souffrance puisse être irrémédiable.
Et les doctrines qui prétendent l’expliquer ou la justifier ne sont pour lui
que ratiocination. Au contraire, affirme-t-il, les hommes sont faits pour être
heureux. Tout homme et toute femme peut et doit aspirer à une vie riche et bien
remplie dont les seules limites légitimes sont celles de ses dons instinctuels.
C’est cette assurance que ni la souffrance physique ni la carence affective ne
sont inéluctables, qui confère à la critique sociale de Fourier toute son
étendue et son intérêt pratique.

CHAPITRE XI
Anatomie des passions
    La critique de la civilisation et l’utopie de Fourier
s’articulent toutes deux autour d’une théorie psychologique, dont il considère
à juste titre qu’elle forme le cœur de son système. Contrairement aux thèses de
la majorité des radicaux et réformateurs de l’époque, elle ne fait pas de
l’homme une créature malléable et rationnelle : les pulsions instinctuelles qui
régissent le comportement ne peuvent être indéfiniment modifiées ou réprimées.
Fourier considère comme l’une de ses grandes réussites de penseur
l’identification, la définition et l’analyse de ces passions. Les « philosophes
», pour n’avoir pas su en mesurer l’importance, ont perdu des siècles à vouloir
les réfréner et changer la nature humaine. Or leurs doctrines répressives sont
pour Fourier l’une des principales causes de misère en « civilisation ». Tout
véritable théoricien de la société ne doit se donner d’autre but que le moyen
de libérer et d’utiliser les passions refoulées. Une fois reconnues la primauté
et l’immuabilité de ces pulsions, et à cette condition seulement, il deviendra
possible de bâtir une société d’hommes et de femmes libres, heureux et
productifs.

I
    Dans ses grandes lignes, la conception que se fait Fourier de la
nature humaine est radicalement différente de celle de « page blanche », ou de
machine à traiter les sensations, que proposent les philosophes des Lumières en
réponse à la doctrine chrétienne du péché originel. Gardons-nous

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