Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Fourier

Fourier

Titel: Fourier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jonathan Beecher
Vom Netzwerk:
s’accorde cependant
avec ses contemporains pour récuser la conception atomiste de la société, et
faire du groupe, non plus de l’individu, l’unité sociale fondamentale. La
pensée du XVIIIe siècle s’est à son avis gravement fourvoyée en s’attachant à
étudier les facultés et compétences de l’individu. « L’individu [...] est un
être essentiellement faux, car il ne peut par lui seul ni par couple opérer le
développement des 12 passions 25 . »
    Il est aussi absurde de considérer les facultés d’un individu
isolé de son contexte social que de juger de celles d’une abeille hors de sa
ruche ou d’un castor sans son barrage.
    L’homme est un animal social, et si les passions sont les
éléments de base de la personnalité individuelle, elles ne peuvent s’épanouir
pleinement que dans la collectivité. C’est pourquoi Fourier juge bon de
compléter par une tentative de spécification des propriétés et dynamiques des
groupes sa typologie des passions et des individus. Les esprits sont lents à
évoluer et Fourier voit bien que, pour la philosophie conventionnelle, le
groupe reste encore un indigne et ridicule objet d’étude. « “Ha ! ha ! Les
groupes, c’est un sujet plaisant que les groupes : ça doit être amusant les
groupes.” Ainsi raisonnent les beaux esprits quand on parle de groupes : il
faut d’abord essuyer une bordée de fades équivoques. » Mais, ridicule ou non,
Fourier maintient que la science du comportement humain ne peut en aucun cas
faire l’économie d’une sérieuse étude des agrégats sociaux.
    Nous avons de nombreux traités sur l’étude de l’homme :
quelles notions peuvent-ils nous donner sur ce sujet, s’ils négligent la partie
élémentaire, l’analyse des groupes? Toutes nos relations ne tendent qu’à former
des groupes, et ils n’ont jamais été l’objet d’aucune étude 26 .
    Aujourd’hui, Fourier n’aurait plus à se plaindre de ce que l’on
néglige l’analyse des rapports sociaux. Cela n’empêche pas que ses propres
écrits sur la question donnent souvent du fil à retordre au lecteur moderne.
Fourier ne s’intéressait pas, comme nos sociologues, à l’étude empirique de la
dynamique des groupes. Il ne s’intéressait pas non plus à toutes les formes
d’association. Tout ce qu’il a à dire sur le collectif se fonde visiblement sur
de longues heures d’observation passées dans ces excellents laboratoires
d’étude que sont les pensions et les tables d’auberges. Mais en tant que
théoricien, il s’intéresse moins aux modes de relations existants qui s’offrent
à ses yeux qu’aux genres de groupes hypothétiques dont il aime à peupler son
utopie :
    Nous donnons le nom de groupe à une assemblée quelconque,
même à une troupe de badauds réunis par ennui, sans passion, sans but ; esprits
vides, gens occupés à tuer le temps, à attendre des nouvelles. En théorie des
passions, l’on entend par groupe une masse liguée par identité de goût pour une
fonction exercée 27 .
    Plus précisément, Fourier entend par groupe un ensemble de sept
ou neuf individus qui diffèrent par l’âge, la richesse et l’intelligence, mais
sont animés d’une passion commune. Il prend bien soin de distinguer ces groupes
harmoniques des groupes « subversifs » qui caractérisent plutôt la
civilisation.
    Le groupe harmonique est « une réunion pleinement libre » dont
les membres sont « liés par une ou plusieurs affections communes ». C’est
également un groupe qui se donne pour ce qu’il est, et dont la passion
véritable ou « dominante » est identique à la passion « tonique » ou visible. A
l’inverse, dans le groupe subversif, passion visible et passion véritable
s’opposent : témoin, la famille civilisée qui, tout en affichant des liens
d’affection et de confiance, ne se maintient en fait que par intérêt économique
et convention sociale 28 .
    Il nous sera peut-être plus facile de comprendre l’importance
pour Fourier de ces groupes harmoniques si nous essayons de clarifier certaines
des hypothèses qui sous-tendent ses écrits sur la psychologie collective.
    Première hypothèse : si les gens étaient entièrement libres de
faire ce que bon leur semble, ils tendraient naturellement à se regrouper par
intérêts communs ou affinités. « Quelle est la première impulsion chez une
masse libre ? C’est de s’échelonner par groupes et nuances d’opinions, de
goûts, de fonctions 29 . »

Weitere Kostenlose Bücher