Fourier
1831, L’Impartial de Just Muiron a bien offert
quelque publicité à la doctrine de Fourier, mais ce bihebdomadaire provincial,
très attaché au juste milieu, ne pouvait constituer pour le fouriérisme un
outil de propagande efficace*.
* Muiron ne semble pas très convaincu des capacités de
Fourier à exposer sa propre doctrine sans choquer les lecteurs de L’Impartial.
La plupart des articles qu’il signe dans L’Impartial ne sont que des amusettes,
traitant d’autres sujets. Muiron lui-même publie à l’occasion quelques articles
sur des aspects précis de la pensée de Fourier. Voir, par exemple, « Sort des
classes ouvrières », L’Impartial, III, 46, 49 (4, 15 septembre 1831) et «
Richesses, liberté, justice pour tous », L’Impartial, III, 53, 57 (29
septembre, 13 octobre 1831).
Le Mercure de France n’est pas non plus l’organe approprié : si
les éditeurs de ce mensuel parisien ont publié quelques articles favorables à
Fourier et pris parti pour lui contre les saint-simoniens, leur correspondance
privée révèle dans leur intérêt pour l’utopiste une volonté d’agrémenter de «
quelque piquant » leur publication et surtout de paraître à l’avant-garde 5 . Ce que veut Fourier, c’est un journal qui
lui appartienne, un journal qui serve à publier par épisodes une version
simplifiée de sa théorie. La correspondance avec Considerant prouve qu’en
janvier 1832 le rêve est déjà sur la voie de la concrétisation :
Notre journal, purement scientifique, n’a pas du reste à
s’inquiéter des événements qui surviennent jour par jour. Il paraîtrait chaque
semaine, en une feuille d’impression. Il y aurait toujours une moitié au moins
consacrée à la publication de la méthode routinière à laquelle vous travaillez
maintenant ; toute la feuille y serait consacrée quand vous le désireriez. Nous
nous étendrions dans la place qui resterait sur la nécessité d’organiser
l’association et d’appeler la discussion et l’attention du public sur ce sujet.
Nous n’arriverions que plus tard à l’étude de l’homme, et encore par des
préludes et avec quelques ménagements 6 .
Dans ses lettres à Clarisse Vigoureux, Just Muiron parle du
journal dans les mêmes termes. La publication périodique des conférences de
Jules Lechevalier constituerait à ses yeux un excellent début 7 .
Dès mars 1832, Fourier et ses disciples sont d’accord pour
commencer à rassembler les fonds nécessaires à la publication d’un
hebdomadaire. Clarisse Vigoureux engage deux mille francs dans l’affaire. Un
riche banquier que Fourier vient de rencontrer apporte une contribution non
négligeable 8 . On peut alors se
mettre en quête d’un local et entamer les négociations avec les imprimeurs. Fin
avril, la location d’un bureau est arrêtée, rue Joquelet, à l’angle du nouveau
palais de la Bourse construit par Brongniart. Une grande salle de réception
ainsi qu’un appartement y sont attachés et l’on convient aussitôt que
l’appartement servira de résidence à Fourier. Commence alors pour lui,
lorsqu’il y emménage en mai 1832, la seule partie de sa vie où il sera en contact
quotidien avec ses disciples et collaborera avec eux sur un même projet.
Le nouveau journal, dont le premier numéro paraît le 1er juin
1832, a pour titre Le Phalanstère, journal pour la fondation d’une Phalange
agricole et manufacturière associée en travaux et en ménage 9 . C’est un hebdomadaire de huit grandes
pages sur deux colonnes, « consacré », selon la formule des éditeurs, à « faire
connaître les avantages de l’association domestique agricole, et les moyens
découverts par M. Fourier pour la réaliser 10 ». Le but est donc double : il s’agit à la fois de fournir une tribune aux
idées de Fourier et de rallier les bonnes volontés pour la fondation d’une
Phalange d’essai. Dans leur introduction, Lechevalier et Considerant ne
manquent pas de souligner le rapport entre la théorie et la mise en pratique :
loin de proposer, avec le fouriérisme, une somme d’idées d’abstraites, ils
apportent un « FAIT aux hommes avides de faits et réalités » :
Nous écrivons dans un but spécial, et spécial même dans
la sphère qu’embrassent nos propres idées, car nous nous bornons à ce qui est le
plus immédiatement, et, qu’on y songe bien, le plus facilement, le plus
vulgairement praticable [...] Notre feuille ne contiendra même pas le
développement théorique de
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