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Francesca la Trahison des Borgia

Francesca la Trahison des Borgia

Titel: Francesca la Trahison des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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ai aucune idée, admit César. Cela dit, loin de moi l’idée de prétendre comprendre ce qui passe par la tête de mon frère. Mais tu as raison, c’est Juan qui cache Morozzi dans l’appartement identique à celui-ci, chez lui. Il a accès à un tunnel, comme moi, ce qui veut dire qu’il peut aller et venir à sa guise par le fleuve, les rues et les tunnels, comme tu l’as appris à tes dépens. C’est pour cela qu’il est resté invisible jusqu’à présent.
    — Comment l’as-tu su, dans ce cas ?
    — L’un de mes hommes a réussi à infiltrer la résidence de Juan. Il y a quelques jours, il est venu me voir : il pensait que quelqu’un se cachait peut-être dans l’appartement secret, mais il n’en était pas certain. Un peu plus tôt aujourd’hui, il a enfin aperçu l’homme en question. Quand il m’en a fait la description, j’ai tout de suite compris qu’il s’agissait de Morozzi.
    — Je suis sincèrement désolée.
    Que pouvais-je dire d’autre ? J’étais désolée d’avoir bien failli brandir un couteau devant lui, certes, mais ce n’était rien comparé à la sympathie que j’éprouvais pour lui en le sachant ainsi embarrassé d’un frère qui n’avait pas un sou de bon sens, et d’un père incapable de voir ses propres fils sous leur vrai jour. Le peu de temps où il avait vécu, mon père avait su qui j’étais réellement et, chose incroyable, ne m’en avait pas moins aimée pour autant. Borgia, lui, était complètement aveugle.
    — Qu’as-tu l’intention de faire ? poursuivis-je.
    — Je fais surveiller toutes les issues de la maison de Juan. Dès que Morozzi bougera, je le saurai. Nous le suivrons, l’attraperons (en vie si possible, mais je ne peux te le promettre), et Juan devra alors rendre des comptes pour sa conduite.
    Et ensuite, quoi ? Borgia verrait enfin qui sont vraiment ses fils, et autoriserait César à vivre comme il l’entendait ? Pour autant que je veuille y croire très fort, j’en doutais.
    Mais je gardai mes pensées pour moi et me contentai de remettre le couteau dans son fourreau. Je sentis bien, ce faisant, que mes démons intérieurs s’apaisaient, bien que de mauvaise grâce.
    Quant à César, il ne prit même pas la peine de regarder ailleurs. Au contraire il observa chacun de mes gestes, visiblement curieux de me voir faire.
    — Tu ne sors jamais sans ? s’enquit-il.
    — Je le garde en souvenir de toi.
    Il s’esclaffa, me connaissant sans doute trop pour me prendre au sérieux ; et pourtant une lueur dans ses yeux me fit songer qu’il aurait préféré que ma boutade n’en soit pas une.
    — Pocco n’aurait jamais su s’y prendre avec toi, tu le sais, j’espère ? fit-il en secouant la tête d’un air désapprobateur.
    — Je n’ai pas envie de discuter de ça.
    — D’accord. Mais si l’idée de me menacer d’un couteau te reprend, tu ferais bien d’être prête à t’en servir.
    — Il me suffira juste de glisser quelque chose dans ton vin.
    Je ne le pensais pas, naturellement, et il ne le prit pas comme tel. Il me restait à espérer que jamais plus il ne serait aussi près de découvrir ce dont j’étais réellement capable.
    — Cela me fait penser que j’ai faim, tiens.
    Il partit donner ses instructions, et quelques instants après nous dînions d’une caille en sauce, accompagnée de carottes au miel et de la plus succulente terrine de canard que j’avais mangée de ma vie. Sur un bon pain croustillant, c’était tout simplement divin.
    — Depuis quand soupçonnes-tu Juan ? lui demandai-je en trempant un morceau de pain dans la sauce. Ma vague inquiétude à l’idée qu’une nourriture aussi riche ne convienne guère à un estomac si peu solide s’était envolée à la première bouchée.
    — Je l’ai soupçonné toute ma vie, je crois, même s’il est difficile d’exprimer précisément ce que je ressentais quand nous étions très jeunes. Par exemple, je ne saurais te dire exactement quand je me suis rendu compte qu’il faisait vraiment tout ce qu’il pouvait, le bougre, pour monter mon père contre moi.
    — Le pape t’a tout de même donné de grandes responsabilités.
    Juan avait peut-être reçu des titres de noblesse et les terres qui allaient avec, mais c’était vers César que Borgia se tournait pour régler des questions aussi sensibles que la répartition des fonds familiaux, ou bien la collecte d’informations délicates. Assurément on pouvait considérer

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