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Francesca la Trahison des Borgia

Francesca la Trahison des Borgia

Titel: Francesca la Trahison des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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m’exhorta :
    — Dépêche-toi d’entrer avant qu’ils ne l’attrapent.

4
    Je pénétrai à l’intérieur, Rocco sur mes talons. L’unique pièce du rez-de-chaussée, au plafond plutôt bas à cause du grenier, était typique des habitations d’artisans et de commerçants, à part que celle-ci était plus ordonnée que la moyenne, étant seulement occupée par Rocco et son fils et non par une famille chaque année plus nombreuse. Le sol en pierre était recouvert de nattes de jonc tissé, l’un des rares signes extérieurs de l’aisance croissante du verrier. Une cheminée agrémentée de deux énormes crochets d’où pendaient des marmites en fer fournissait la chaleur nécessaire à la pièce en hiver, mais à cette époque de l’année elle avait été soigneusement balayée de ses cendres et était donc vide. Quand il devait faire la cuisine Rocco se servait de son four extérieur, qui lui était indispensable dans son travail. La pièce était complétée par une table entourée de tabourets, des étagères où étaient exposés des échantillons de son art, et une échelle permettant de monter au grenier où ils avaient leur couche. À cela s’ajoutait le faux mur près de la porte de derrière, plus discret bien entendu mais dont je connaissais l’emplacement, à présent. Derrière se cachaient certains objets spéciaux que Rocco fabriquait pour des clients à part (dont je faisais partie), et qui comprenaient des alambics, des cornues, des vases à sublimation et d’autres appareils requis pour la pratique de l’alchimie.
    S’il est vrai que Venise pouvait encore se vanter d’accueillir les plus grands maîtres, l’art du verre avait depuis longtemps dépassé les frontières de la cité lacustre, d’où était originaire Rocco. À Rome on se targuait d’avoir la famille d’Agnelli, qui était au service du pape et dont les objets en verre étaient prisés jusque dans la lointaine Angleterre et même à Constantinople, disait-on. Récemment ils avaient connu de tristes heures avec la mort prématurée du fils unique de la famille, mais ils gardaient toute leur influence au sein de la corporation des maîtres verriers, à la tête de laquelle se trouvait Enrico d’Agnelli, le patriarche.
    J’avais toujours connu Rocco dans cette échoppe, où il vivait depuis son arrivée ici, sept ans plus tôt. Depuis lors il était parvenu à se constituer une clientèle discrète de connaisseurs et d’alchimistes, dont le nombre était en augmentation constante. S’il l’avait voulu il aurait certainement pu s’offrir un logement plus spacieux. Mais c’était un homme de nature modeste, doté de surcroît d’un sens aigu du droit à l’anonymat. Cet humble lieu, entouré de concurrents en apparence plus prospères, lui convenait très bien.
    Il referma bien la porte derrière nous, et soudain tout fut calme. Je goûtai à la relative fraîcheur qui m’accueillit, humai le parfum agréable des herbes et du jonc frais en train de sécher au-dessus de nous sur les poutres et comme toujours, eus un pincement au cœur en songeant à tout ce que je manquais. Appelez cela de la malice, ou de l’hypocrisie, mais la vérité était que la certitude de ne jamais devenir son épouse ne faisait qu’accroître mon désir pour Rocco. Seule la crainte de baisser dans son estime me retenait de céder à la tentation, mais c’était parfois de justesse.
    Ainsi plongée dans mes pensées, je dus sans le savoir serrer un peu trop fort la petite chatte car je l’entendis cracher et sentis une minuscule griffe se planter dans la chair de mon bras.
    Le visage de Nando s’éclaira.
    — Elle n’a vraiment peur de rien, tu ne trouves pas ? Comme Minerve, toujours prête pour la bataille.
    — Minerve, mais oui, dit Rocco en souriant. La déesse qui ne renonce jamais. C’est parfait comme nom, n’est-ce pas, Francesca ?
    Sentant son regard sur moi, je me détournai quelque peu.
    — Oui, si elle doit en avoir un, dis-je en regardant le petit chaton qui, toujours dans mes bras, avait entrepris de faire sa toilette en mettant visiblement du cœur à l’ouvrage. Allez-vous la garder ?
    — On peut, papa ? demanda Nando.
    Rocco hésita.
    — Je croyais que tu voulais un chien.
    — C’est vrai, mais…
    — Pourquoi est-ce que tu ne la garderais pas, toi ? m’exhorta Rocco. Elle a l’air de bien t’aimer.
    Je regardai la frêle créature, prête à expliquer pourquoi ce n’était pas

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