Francesca la Trahison des Borgia
soit lui. Il re voudrait savoir quelles sont tes instructions pour la suite.
Mon cœur battait plus vite qu’il ne l’aurait dû, mais je tentai de garder mon calme. Après tant d’efforts, voilà que je recevais enfin la première vraie indication de l’endroit où Morozzi pourrait se cacher. Je posai Minerve sur le sol du salon tout en réfléchissant.
Mais à la vérité, il n’y avait guère de possibilités à considérer.
— Dis-lui de me retrouver à la fontaine devant la basilique Sainte-Marie juste après le coucher du soleil.
— Tu veux aller dans les tunnels ?
— Il le faut. Dis-lui aussi de s’assurer que ses compagnons savent combien cet homme est dangereux. Ils ne doivent rien faire qui puisse attirer l’attention du prêtre sur eux.
— Je viens avec toi, m’annonça Benjamin vaillamment.
Je fis la grimace et le poussai gentiment vers la porte. L’idée même qu’un autre enfant soit à la portée de Morozzi…
— N’y songe même pas. Sofia réclamerait ma tête, et encore ce serait compter sans David, qui me l’aurait peut-être déjà coupée.
— Mais…
Je me baissai (mais n’allai pas bien loin, car il était en pleine croissance depuis quelques mois), le pris par les épaules et lui parlai avec le plus grand sérieux.
— Benjamin, écoute-moi. Je sais que tu as une grande expérience de la rue et que tu saurais te sortir de la plupart des situations. Toutefois, Morozzi est… différent. Il a quelque chose en lui, quelque chose de noir qui le rend extrêmement dangereux.
— Comment le sais-tu ?
Que pouvais-je lui répondre ? Que je comprenais le prêtre fou quand les autres ne le pouvaient pas car d’une certaine façon nous étions similaires, lui et moi ? Cette simple idée me remplissait d’une telle horreur que je me retins à grand-peine de ne pas crier devant cet enfant.
— Je le sais, c’est tout. Tu dois me promettre que tu resteras avec Sofia ce soir, ou ailleurs, mais en sécurité en tout cas. Sinon, je n’arriverai pas à me concentrer. Je m’inquiéterai pour toi, et Dieu seul sait alors ce qu’il pourrait se passer.
— Je ne veux pas qu’il t’arrive de mal, me confia-t-il avec une sincérité qui m’alla droit au cœur.
— Bien, dans ce cas promets-moi que tu feras ce que je t’ai dit.
Il prit le temps nécessaire pour y réfléchir et finit par me répondre, en hochant la tête :
— Je te le promets, mais tu dois me promettre en retour de ne pas prendre de risques inconsidérés.
Je tentai de prendre un air interdit, mais il ne s’en laissa pas conter.
— J’ai appris en partie ce qu’il s’est passé l’an dernier, m’admonesta-t-il. Tu as de la chance d’être encore en vie. Tu dois être plus prudente.
Davantage touchée par sa sollicitude que je ne voulais bien l’admettre, je lui promis de prendre toutes les précautions possibles. Comme d’habitude en de pareilles circonstances, c’était un mensonge.
Une fois Benjamin parti, je pris le temps de faire les préparations nécessaires en vue de mon expédition nocturne. Puis je partis d’un bon pas pour le Vatican, en restant attentive au moindre signe de troubles. En chemin, je remarquai qu’il y avait plus de condottieri qu’à l’accoutumée dans les rues. En dépit de la chaleur qui se faisait déjà sentir, ils étaient en armure et portaient les casques à plumes de la cour pontificale. Je me demandai si cette démonstration de puissance n’était pas une manière pour Borgia d’envoyer un message à la populace qui décidément, ces derniers temps, s’amusait beaucoup à ses dépens. Point de trace de gribouillages obscènes en revanche, même si certains murs que je croisai semblaient avoir été lessivés très récemment.
Le soleil brillait, et il n’y avait presque pas de nuages dans le ciel. Le vent incessant qui nous tourmentait depuis quelques jours était enfin retombé, ne serait-ce que provisoirement. À sa place soufflait une légère brise qui fleurait bon les lointaines montagnes du nord, où est née la glace que nous autres Romains adorons déguster parfumée à la lavande ou aux pétales de roses.
J’étais en train de traverser la place (tout en remarquant qu’il semblait y avoir moins de monde que d’ordinaire, et davantage de gardes) lorsque je vis Rocco qui s’éloignait de la caserne. Il ne m’avait pas encore vue et l’espace d’un instant, je fus tentée de me cacher jusqu’à ce qu’il soit
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