Francesca la Trahison des Borgia
glisser.
J’admets qu’en cet instant, j’hésitai. Il était fort peu probable que Borgia approuve ce que je m’apprêtais à faire, quand bien même j’aurais une excellente raison à lui fournir. Certes il n’était pas faux de dire que j’agissais par souci pour sa sécurité, mais il fallait tout de même l’avouer, c’était la curiosité qui me guidait avant tout.
Grâce à la position privilégiée de mon père dans la maison de celui qui n’était encore que le cardinal Borgia (et le vice-chancelier de la curie), j’en étais arrivée à connaître le Vatican mieux que la plupart des gens, hormis quelques rares privilégiés. Non seulement avais-je eu la permission de visiter la chapelle Sixtine, qui d’ordinaire n’est ouverte qu’aux ecclésiastiques et aux invités de très haut rang, mais j’avais également eu l’insigne honneur d’entrer dans la bibliothèque vaticane. Celle-ci contient pas moins de quatre mille œuvres, la plupart des codex en hébreu, grec et latin, sans compter les manuscrits acquis à la bibliothèque de Constantinople. Il est question de construire un bâtiment uniquement pour l’abriter, mais jusqu’ici rien de concret n’a été décidé. Mon père m’avait également révélé, pour les avoir vues de ses propres yeux, l’existence de certaines archives qui renfermaient des correspondances officielles hautement sensibles.
Ayant tout cela en tête, j’étais bien certaine que le Vatican recelait encore nombre de secrets. Personne n’arriverait jamais à les connaître tous, mais j’avais soif d’en percer au moins quelques-uns.
Je vous explique tout cela dans l’espoir de vous faire comprendre pourquoi je laissai le bureau de Borgia derrière moi et m’aventurai dans ce passage secret, vers une destination inconnue. À ma grande surprise je n’eus pas besoin de lampe au départ, car d’étroites fenêtres près du plafond laissaient passer un rai de lumière. Par ailleurs, au contraire de nombre de passages que je connaissais bien au Vatican et ailleurs dans Rome, celui-ci était sec, propre, et suffisamment large pour qu’un homme de la taille de Borgia puisse avancer sans avoir à se baisser.
Je marchai pendant plusieurs minutes avant de me rendre compte que j’avais commencé à légèrement descendre. Un peu plus loin j’arrivai à un point où il n’y avait plus de fenêtres, et devant moi c’était le noir le plus complet. Je m’arrêtai et fus soulagée de trouver plusieurs lampes à huile bien entretenues, ainsi qu’un silex et de l’amadou à portée de main. J’allumai une lampe, baissai la flamme pour la rendre la plus stable possible, et repris mon chemin.
Peu après j’arrivai devant une lourde porte aux bandes de cuivre assombries par le temps. Elle devait être très vieille (le bois était vermoulu), mais malgré cela et son poids considérable, elle céda après une légère poussée. Elle ouvrait sur une pièce qui n’était guère large, mais suffisamment tout de même pour qu’avec ma lampe j’en devine les recoins. Une grille en fer fermée au verrou me séparait de ce qu’il y avait au-delà. Ainsi je pouvais voir, mais seulement à distance.
De l’autre côté de la grille, je discernai un grand fauteuil en bois sculpté à haut dossier et aux coussins moelleux, le tabouret assorti et deux petites tables. À côté se trouvaient plusieurs lampes ainsi que, ne pus-je m’empêcher de remarquer, un casier en bois contenant des bouteilles de vin rouge. Étant souterrain, l’endroit restait relativement frais malgré la chaleur de la journée. Toutefois, l’on avait également songé aux rigueurs de l’hiver, car un brasero avait été installé à côté du fauteuil.
Quelqu’un avait visiblement tout le confort nécessaire, dans cette chambre secrète sous le Vatican. Quelqu’un en mesure d’aller et venir à sa guise depuis le bureau privé du pape.
Bien sûr, je compris tout de suite que j’avais probablement percé le mystère des fréquentes disparitions de Borgia. Mais qu’est-ce qui l’attirait ici ? Qu’y avait-il de caché ? J’eus beau tenter de le découvrir, allant jusqu’à m’écraser le nez contre cette grille, je ne vis guère plus que des formes obscures.
Cependant, je réussis à lire les mots inscrits dans la pierre sur une plaque ternie par le temps :
mysterium mundi
Le mystère du monde. Et, me sembla-t-il également, un jeu de mots sur les paroles sacrées prononcées
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