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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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lucidité. Car c’était un intrépide qui pouvait ferrailler à un contre cinq, monter à l’abordage à la tête d’une poignée d’aventuriers ou faire face à trois vaisseaux ennemis à la fois. Mais il n’en était pas moins aussi un homme de guerre calculateur et prudent, un chef aux nerfs d’acier qui savait très exactement ce qu’il pouvait tirer de ses hommes, parce qu’il en était profondément aimé et respecté. Callières était persuadé que c’était de ce genre de commandant qu’avait besoin la Nouvelle-France en ces temps de misère, et que Pierre d’Iberville, qui réunissait à merveille les qualités de sa nation, pourrait mener les Canadiens au bout du monde.
    Les deux officiers avaient mangé à s’en crever la panse et les plats s’étaient vidés comme par enchantement. Le vin ayant fait son œuvre, ils luttaient maintenant contre le sommeil. Callières finit par avoir pitié d’eux.
    â€” Allez, messieurs. Nous fêterons votre victoire et celle de vos hommes dès qu’ils seront de retour. J’ai d’ailleurs envoyé du renfort pour les secourir et accélérer leur repli. En attendant, regagnez vos couchettes. Nous reprendrons cette conversation plus tard.
    * * *
    Callières était assis devant son secrétaire et achevait la rédaction d’une lettre à Frontenac. Comme il venait de recevoir des nouvelles de l’expédition lancée contre Sche nec tady, il s’empressait d’en rendre compte. Cette première phase des représailles planifiées par le gouverneur général et son état-major contre les colonies du Sud s’avérait un succès, quelque peu mitigé, toutefois, par la perte de quinze hommes. Une perte que Callières avait sur le cœur et qu’il imputait à la tortueuse politique de pacification iroquoise du vieux comte.
    Â«Â Si on n’avait pas épargné ces Agniers à Schenectady, nous aurions sauvé quinze vies, cornedebœuf! Et qui sont ceux qui nous assaillent jour et nuit depuis des mois, sinon ces âmes damnées des Anglais? » S’il n’en avait tenu qu’à lui, il aurait mis un terme aux négociations de paix depuis longtemps et envahi sans tergiverser les villages agniers.
    Il était bien aise, néanmoins, de pouvoir parler de succès à son supérieur, lui qui n’avait cessé de lui annoncer malheur sur malheur depuis de longues semaines. Car, tout l’automne, des partis de guerre iroquois avaient paru dans les côtes de Châteauguay, de Prairie de la Madeleine, de Chambly, de Sorel, de Bécancour, de Pointe-aux-Trembles, et plusieurs habitants et soldats trop confiants sortis sans escorte avaient été pris ou abattus. Avec les premières neiges, c’est La Chesnaye qui était tombée sous les coups de l’ennemi, puis ensuite l’île Jésus. La nuit, les coups de feu claquaient et les colonnes de fumée montaient des maisons et des granges isolées. Ceux qui en réchappaient se bousculaient en désordre vers les redoutes avoisinantes, la mort dans l’âme.
    Callières ne perdait pas courage, en dépit d’une situation en apparence désespérée. «Cette guerre ne peut qu’être gagnée, disait-il à qui voulait l’entendre, le tout étant de tenir le plus longtemps possible en attendant de pouvoir mieux s’organiser. »
    Comme il faisait un froid de canard dans la pièce qui lui servait de bureau, le gouverneur de Montréal ne cessait de se frotter les mains pour les réchauffer. Il jeta un œil impatient sur le foyer qui, bien que nouvellement construit, tirait mal. Un maître maçon lui avait assuré que l’âtre était trop profond et l’ouverture frontale trop petite pour donner un rendement suffisant, et que mieux valait l’abattre et le reconstruire. Mais il n’avait pas encore trouvé le temps de s’en occuper. Il s’enveloppa machinalement dans une couverture et se remit au travail, assez satisfait de la tournure de sa lettre.
    Dehors, un vent cinglant ronflait en bourrasques et bousculait les quelques passants qui déambulaient dans les rues, malgré l’heure matinale. Les appels répétés du clairon rythmant le quotidien des militaires montaient de la cour

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